Romans


Éric Chevillard

Palafox


1990
192 pages
ISBN : 9782707313492
11.60 €
40 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille
* Réédition dans la collection de poche  double  n°25


 Certes, à première vue, tout laisse à penser que Palafox est un poussin, un simple poussin puisque son œuf vole en éclats, un autruchon comme il en éclôt chaque jour de par le monde, haut sur pattes et le cou démesuré, un girafon très ordinaire, au pelage jaune tacheté de brun, un de ces léopards silencieux et redoutables, volontiers mangeurs d'hommes, un requin bleu comme tous les requins bleus, assoiffé de sang, en somme un moustique agaçant de plus, avec sa trompe si caractéristique, un éléphanteau banal, mais bientôt on se prend à en douter. Palafox coasse. Palafox nous lèche le visage et les mains. Alors nos certitudes vacillent. Penchons-nous sur Palafox. 
Éric Chevillard

ISBN
PDF : 9782707325211
ePub : 9782707325204

Prix : 6.99 €

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J. P. (Libération, 22 novembre 1990)

La cheville de Chevillard
Entre guêpe et guépard, Palafox est un énorme animal minuscule et la dernière invention d'un écrivain drolatique.
 
 Chevillard avait déjà publié deux romans courts, drôles et cyniques, à 49 francs aux Éditions de Minuit, cette fois, il s"attaque au volume à 75 francs, Palafox. C’est plus long. Forcément.
Palafox est le nom d'un animal polymorphe, emprunté au général José de Palafox, duc de Saragosse (1780-1847), qui coule une éternité paisible entre Paladru et Palaiseau dans les petits dictionnaires. Inconstant mais consistant, insaisissable mais saisissant, improbable mais éprouvant. Palafox est une énorme bestiole " dont la taille avoisinait celle d’une grosse guêpe ou d’un petit guépard ” (page 55), reconnaissable à ses plumes, ses écailles ou la douceur de sa fourrure, selon l'heure ou la page, câlin et sanguinaire, cultivé et sauvage, reptile volant, poisson à bec. Palafox est le personnage titre et l’une des deux inventions formidables du cru Chevillard 90.
La seconde invention est une figure de style qui jusqu'ici n'apparaissait dans la littérature que sous la forme d'une lourdeur d'écriture, voyez plutôt, elle consiste à enfoncer comme un coin une proposition indépendante entre un pronom relatif et son antécédent. Exemple, page 12 (Palafox sort de son œuf, sa survie semble incertaine) : “ Les premiers jours, son état demeura alarmant, puis Palafox ouvrit un œil, on parla d'un léger mieux, qu'il referma ”, ou, pour se faire bien comprendre, la même, page suivante : “ Palafox ouvrit la bouche, on le crut sauvé, qu'il referma. ” Cette tournure étrange qui accompagne l'incongruité du personnage mériterait l'appellation de “ cheville ”, en hommage à son inventeur, si la rhétorique ne réservait ce nom au procédé de remplissage qui en poésie permet la rime par l'ajout d'une expression inutile à la pensée. Or, ici, l'ajout est la pensée même. Palafox a l'âme du Berk de Gébé, et Chevillard une virtuosité à trousser des paragraphes si parfaits que le livre a l'air d'une vitrine d'orfèvrerie plus que d'un roman, comme si son savoir faire subtil, son intelligence et son humour à jouer avec les mots et les idées comme des hypothèses mathématiques le dispensait du romanesque, d'un peu d'humanité. L'irréprochable exercice de style tenait mieux la distance des 114 et 122 pages des deux livres précédents. N'empêche, paragraphe par paragraphe, de phrases tordues en mots retroussés, c'est un régal. J'ouvre au hasard, vraiment, tenez, page 2l, on n'est pas mal tombé : “ Saluons aussi le professeur Zeiger, ornithologue polyglotte qui imite à s'y méprendre le chant ou le râle d'une soixantaine d'oiseaux, qui pourrait grâce à son bagou se fiancer arec une autruche, mais hésite à franchir le pas. ” 

Isabelle Rüf (L'Hebdo, décembre 1990)

 Étrange et fascinant projet que celui d'Éric Chevillard. À toute allure, il nous entraîne sur les traces de sa créature polymorphe. Les savants, les chasseurs, les victimes de Palafox se joignent à nous dans cette quête essoufflante. De digressions en rebondissements, on galope, médusé, à travers un récit stupéfiant. Le rire éclate, la surprise enchante, le projet déconcerte : que veut Chevillard ? On peut évoquer Pinget, Queneau, Michaux, Perec : aucun modèle ne va vraiment à cette écriture d'une habileté confondante, d'une drôlerie irrésistible et méchante, d'un élan qui entraîne : suivons Palafox ! 

Jean-Maurice de Montremy (Lire, novembre 1990)

 Durant 180 pages de prodiges, bizarreries, ruses cruelles, sauvageries et désarmantes effusions, Palafox semble appartenir à toutes les races possibles du règne animal. Ce qui n'inquiète pas la famille provinciale, décidément digne, solennelle et bourgeoise. Ni le narrateur, imperturbable dans ses démonstrations, et volontiers aphoristique dans l'évocation de l'étonnant destin de Palafox, tour à tour chassé, chasseur, attraction de cirque et problème métaphysique. Il ne s'agit pas, toutefois, malgré l'écriture brillante, d'un exercice de style. Sous la fantaisie et la virtuosité, Éric Chevillard entraîne son lecteur dans une méditation puissante sur le mal, la bêtise et l'inhumanité tapis au cœur de l'homme. 

Jean-Claude Lebrun (Révolution, 9 novembre 1990)

 Mettez un doigt de surréalisme, un doigt de situationnisme, ajoutez-y une grande mesure de poésie, beaucoup de talent, et vous obtiendrez un roman pétillant d'intelligence et d'humour, le plus drôle sans doute de cet automne. Cet animal à géométrie variable et à humeur changeante, que l'on peut aisément classer entre le lépidoptère et le pachyderme, s'est un jour extrait d'un œuf, à la table d'Algernon Buffoon, ambassadeur britannique à la retraite. Comment identifier ce Fregoli de la Zoologie, comment le baptiser ? Par chance il y avait en cet Algernon Buffoon autant du… bouffon que de…Buffon, une alliance explosive de l'esprit d'almanach avec l'esprit de système. 

Nelly Kaprièlian (Les Inrockuptibles, 15 octobre 2003)

 Dès 1990, son troisième roman, Palafox, posait le ton d’une œuvre hantée par l’humour, l’absurde et toutes les malices du roman. Mais, au fait, un Palafox, c’est quoi ? Un oisillon ou son œuf ? Un léopard ou un requin ? Tous les animaux à la fois ? Un prétexte, surtout, aux plaisirs polymorphes de la fiction. 

 




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