Romans


Christian Oster

Le Pique-nique


1997
192 pages
ISBN : 9782707315663
15.20 €
30 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


Un banal rendez-vous en forêt de Sénard, pour un pique-nique, avec d’anciens amis : Louis s’y rend sans enthousiaste avec sa fille, Pauline, cinq ans. Il ne trouve pas ses amis. Il les cherche, donc. À force de les chercher, il finit par se perdre. Comme à l’évidence ça ne suffit pas, voilà qu’il perd sa fille. Il la cherche, il ne la retrouve pas. En revanche, il rencontre une femme, une femme très belle, très séduisante. Mais que peut-on bien faire d’une femme, même séduisante, surtout séduisante, quand on vient de perdre sa fille, qui est tout ce qu’on a au monde ?

ISBN
PDF : 9782707332332
ePub : 9782707332325

Prix : 10.99 €

En savoir plus

Jean-Louis Ezine (Le Nouvel Observateur, 6 février 1997)

Oster mais drôle !
De fausses pistes en indices trompeurs, Christian Oster nous égare, pour notre plaisir, dans une forêt.
 
« Qu'est-ce qu'on peut bien faire dans une forêt (d'un point de vue narrativement inopiné, s'entend), sinon se perdre ? Voilà résumée l'action, mais c'est un bien grand mot, disons plutôt l'intrigue propositionnelle du Pique-Nique, le nouveau roman de Christian Oster, l'une des plus fines plumes de l'école “ minimaliste ”, qui siège aux Éditions de Minuit et compte Jean Echenoz, Christian Gailly, Jean-Philippe Toussaint.
Depuis le temps que les romanciers égarent leurs héros dans la jungle sylvestre, on s'étonne de ne pas y rencontrer davantage de fantômes : entre les ermites par vocation, les saint-bernard providentiels, les mycologues illuminés et les renonçants indiens, l'endroit est si peuplé que c'est à vous décourager d'y poser son panier d'osier et sa nappe à carreaux pour y organiser le crime parfait et sans témoin dont chaque auteur semble appeler ou poursuivre de ses vœux l'impossible conjecture.
Christian Oster le sait bien, lui qui se commit avec un bonheur trop vite oublié dans le roman noir, au Fleuve équanime. Vous êtes prévenu : cet expert en fausses pistes et en indices trompeurs n'a pas son pareil pour égarer ses lecteurs et même ses personnages. C'est bien simple : avant de se perdre dans la verdure confusionnelle et les bocages attenants où il a rendez-vous avec trois hypothétiques amis eux-mêmes perdus de vue depuis vingt ans, le héros malheureux de ce Pique-Nique s'est déjà vu quant à lui priver de son nom dès l'incipit : “ L'homme auquel j'aimerais donner ici quelque importance, banalement je l'appellerai Louis. Ou Charles. Ou Julien. À la mi-journée d'un samedi, donc, Louis, je crois que pour cette fois ce sera Louis, je préfère Louis, marchait d'un pas forcément lent aux côtés de Pauline, sa fille, cinq ans, dans un environnement forestier proche de Paris... ” On ne saurait mieux dire que les hypothèses, dans toute littérature d'investigation, ont plus de consistance et de vérité que les personnages à travers lesquels elles se jouent. Le dénommé Louis (ou Charles, ou Julien) n'a pas plus de réalité psychologique que le fameux Lafcadio dans la farce de Gide Les Caves du Vatican. Il n'est qu'un chaînon aléatoire dans la causalité générale et qu'une succession de hasards prémédités ou contingents (voiture en panne, absence de panneaux indicateurs, clairières toutes semblables, fillette affamée) vont déposséder progressivement de ses rares attributs : son nom, d'entrée, son chemin, son auto, et bientôt, par une fatale et panique distraction, sa petite Pauline soi-même, symbole majeur d'un récit alors devenu, on peut le dire, une bouffonne allégorie de la terreur.
Tournant et ressassant dans le labyrinthe végétal, Louis finit par rencontrer, montée sur un haut cheval bai, une femme très belle, très séduisante, très ce qu'il faut dans tout roman d'aventures impeccablement équipé sous le rapport de la fatalité, de la grâce et même de la foudre, mais que faire d'une hypothèse aussi cavalière, aussi déplacée, quand on vient de perdre sa fille, qui est tout ce qu'on a au monde ?
Telles sont les violentes suppositions avec lesquelles quelles Christian Oster nous promène, outillé d'un magistral talent où l'écriture prévaut sur la manœuvre, et la comédie sur le drame. Bien entendu, on n'est jamais dupe de cette fable où un père célibataire devient “ une famille monoparentale ”, où l'inattendu qui surgit au cœur de la norme n'est plus qu'un “ événement fractal dans l'indivision ”, où d'une enfant saturée de fatigue on dira qu'“ elle entretient avec la marche les rapports conflictuels de son âge ”. Le Pique-Nique est d'abord un exercice de style, au reste étourdissant, sur un monde lentement mais méthodiquement déshumanisé par la phraséologie piégeuse du politiquement correct. Où l'homme en perdition ne saura bientôt plus comment il s'appelle. »

Patrick Kéchichian (Le Monde, janvier 1997)

La cavalière et le premier venu
« L’essentiel ne se voit pas », affirme Christian Oster par la voix de Louis, saisi par l’amour d’une femme sur son cheval.
 
« On ne peut pas dire que Christian Oster soit un timide qui fuit devant les “ grands ” sujets pour s'attarder sur lui-même, se pencher sur les arcanes de son moi et flâner dans les labyrinthes de sa personnalité. Ce n'est pas un de ces écrivains frileux et minimaliste effarouché par l'ampleur de la tâche. Ce n'est pas lui que l'on verrait se replier sur son intimité – ce qui est tout de même à noter par les temps littéraires qui courent et qui piétinent.
Non, ces sujets massifs et quasi éternels il s'en saisit ; intrépide, il les prend à bras-le-corps, en fait son bien. L'amour et l'amitié, la solitude, la mémoire, la paternité sont ainsi les thèmes bien délimités de ce Pique-nique, cinquième roman de Christian Oster. Comme cela est sans doute un peu juste, l'écrivain a également puisé dans une thématique secondaire : l'écologie forestière et autoroutière associée à quelques rudiments d'équitation. Mais voilà, de tout cela, qui ne brille quand même pas, en tant que tel, par son originalité, Oster traite d'une manière particulière, originale. (…) »

Fabrice Gabriel (Les Inrockuptibles, 1997)

« Comme toujours chez Oster, ce topographe discrètement drôle de nos incertitudes, I'itinéraire sera ici maigrement balisé. Son roman se donne pour ce qu'il est : la traversée d'un lieu, I'espace laissé libre à l'arbitraire d'une histoire, au surgissement de personnages sans portrait. Voici donc Louis. Louis, nous prévient l'incipit, aurait pu tout aussi bien s'appeler Charles ou Julien. Louis n’a pas de visage, à peine un nom, mais une voiture et une petite fille, Pauline. Avec celle-ci et dans celle-là, il se rend un peu malgré lui à un rendez-vous en forêt de Sénart, où il doit retrouver pour un pique-nique trois amis perdus de vue depuis vingt ans. Sa voiture le lâche et sa fille s'égare : le récit est lancé, improbable jeu de pistes où les repères se brouillent, où le père se trouble de rencontrer soudain une très belle cavalière... En naît une sorte de suspens infinitésimal, qui rappellerait presque qu'Oster fut dans une vie antérieure un auteur de polars, qui conduit surtout au mystère immémorial du motif amoureux. »

 




Toutes les parutions de l'année en cours
 

Les parutions classées par année