Romans


Christian Oster

Trois hommes seuls


2008
176 p.
ISBN : 9782707320506
13.20 €
40 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


Marie m'invitait à passer quelques jours en Corse. Je pouvais venir avec qui je voulais. J'en ai donc parlé à Marc, que je fréquentais depuis trois mois sur un court de tennis, du côté de la porte de Clignancourt. Lui-même en a parlé à un type que je ne connaissais pas. Sur la banquette arrière, j’ai pu caser la chaise que Marie m’avait laissée en s’en allant, deux ans plus tôt, et qu’elle me demandait de lui rapporter. Après quoi, tous les trois, on s’est dit qu’on ferait connaissance en chemin, et on est partis.

ISBN
PDF : 9782707331830
ePub : 9782707331823

Prix : 9.49 €

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Jean-Louis Ezine, Le Nouvel Observateur, 28 août 2008

Trois hommes et une chaise

La vie à trois est une spécialité littéraire reconnue. Le théâtre, le roman en ont tiré de magnifiques effets. Nous avons eu les trois mousquetaires de Dumas, les trois sœurs de Tchekhov. Nous savons depuis Graham Greene que le troisième homme n’est souvent que le diable en personne. A deux, on est un couple. A trois, on est le monde. Si le nouvel opus de Christian Oster relève de cette dramaturgie trigonocéphale, ses personnages s’accointent plutôt du côté de « Trois Hommes dans un bateau », ce classique de l’humour victorien, récit d’une excursion burlesque sur la Tamise qui assura une gloire définitive à Jerome K. Jerome, et dont le titre complet était au reste : « Trois Hommes dans un bateau, sans parler du chien ».
L’étrange équipée de Paris jusqu’en Corse dont nous entretient Christian Oster aurait pu s’intituler : « Trois Hommes dans une auto, sans parler de la chaise ».
Comme dans tous les romans d’Oster, l’oisiveté en est le motif, en même temps que le prétexte. L’auteur de « Trois Hommes seuls » n’a pas son pareil pour peindre le désœuvrement, l’abandon, la déambulation célibataire, le quant-à-soi minuté des maniaques sans projet. Ses héros sont des types quittés, et qui en conservent une légère hébétude. Ainsi le narrateur de ce roman, à propos de qui on n’apprendra presque rien (lui-même semble se connaître bien peu) sinon qu’il s’appelle Serge Ganz et que, deux ans après avoir été plaqué par Marie, celle-ci l’invite à passer quelques jours en Corse. La maison des environs de Bastia est vaste, il peut venir avec qui il veut. Il se trouve qu’il vit seul, sans ami. Il en parle donc à un certain Marc, un gérant de boîte de nuit qu’il ne pratique que comme partenaire de tennis, et qui lui-même passera le mot au dénommé Koncharski, un ancien funambule de cirque reconverti dans le tertiaire et qui ne se déplace jamais sans son filin d’acier, bien qu’une chute ait mis un terme à sa carrière d’acrobate. Vous avez dit bizarre ? Sur la banquette arrière, le narrateur va encore loger la chaise que son ex avait laissée en s’en allant, deux ans plus tôt, un meuble dogon, à moins qu’il ne soit vietnamien, en tout cas ethnique et parfaitement inconfortable qu’elle tenait de son père, et qu’elle lui demande de rapporter.
Une double intrigue se fait alors jour : d’abord celle que vont nouer, dans le huis clos automobile, trois hommes qui ne se connaissent pas. D’autre part, le lecteur ne peut pas ne pas s’interroger sur le terme de la randonnée autoroutière et maritime, rythmée de silences et de quiproquos (qu’il ne compte pas sur Serge pour l’éclairer, trop occupé de sa douloureuse indifférence à soi) : la marchandise à livrer, est-ce la chaise ou le narrateur lui-même ? La réponse surprendra, révélant en Oster un maître subtil, sachant démêler le hasard, l’aléa, le coup fortuit, la virgule contingente, parfois, aux yeux du monde qu’il faut bien duper, la plus fatale et irrépressible nécessité.
 

 




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