Paradoxe


Pierre Bayard

Oedipe n'est pas coupable


2021
192 pages
ISBN : 9782707347107
16.00 €


On ne cesse d’affirmer, depuis l’Antiquité et plus encore depuis Freud, qu’Œdipe aurait tué son père.
Mais cette accusation ne résiste pas à l’examen. En menant avec rigueur l’enquête sur les circonstances du meurtre et en révélant l’identité de l’assassin, ce livre montre que des pans entiers de notre culture reposent sur une erreur judiciaire.


On trouvera sur cette page le film tourné par Pierre Bayard avec Jean-Philippe Toussaint sur les lieux mêmes du meurtre de Laïos.

ISBN
PDF : 9782707349323
ePub : 9782707349316

Prix : 9.49 €

En savoir plus

Lire l'article de Frédéric Manzini "Œdipe n'est pas coupable !", Philosophie magazine, 6 octobre 2021


 

Mikaël Gόmez Guthart, La nouvelle revue française, novembre 2021

Après s’être préalablement penché avec, il faut le reconnaître, une certaine virtuosité sur les cas ô combien épineux d’Agatha Christie, Arthur Conan Doyle et William Shakespeare, le détective Pierre Bayard s’est imposé depuis trois bonne décennies comme un enquêteur littéraire chevronné doublé d’un généalogiste particulièrement rigoureux. Il s’attaque cette fois-ci à une affaire, ou plutôt à un mythe, absolument intouchable de la culture occidentale, en développant l’hypothèse aussi séduisante qu’originale selon laquelle la culpabilité d’Œdipe ne reposerait en réalité que sur un gigantesque malentendu. Une grave erreur judiciaire aux conséquences inouïes, littéralement dramatiques, dont il s’est mis en quête de retracer avec minutie le lignage. Ce fourvoiement reposerait d’une part sur l’amateurisme originel, en des temps immémoriaux, près de quatre siècles avant notre ère, d’un certain Sophocle et, d’autre part, bien plus récemment, du côté de Vienne, sur l’interprétation sinon laxiste du moins incomplète de Sigmund Freud, et à plus forte raison de ses descendants, tous courants confondus. À bien y réfléchir, peut-être avons-nous curieusement affaire ici à une illustration inespérée, quoique particulièrement criante, de la fameuse « méprise du sujet supposé savoir » ? Toujours est-il que son enquête sur les circonstances exactes du meurtre de Laïos et le rôle pour le moins ambigu joué par Jocaste, respectivement le père et la mère d’Œdipe, contient tous les ingrédients d’un polar mythologique haletant : faux témoignages, vices de procédure, mensonges caractérisés ou par omission, etc. Pierre Bayard maîtrise sur le bout des doigts la grammaire et les ressorts subtils du roman policier dont Gilbert Keith Chesterton, expert incontesté en la matière, s’était jadis risqué à édicter les rudiments : celui-ci diffère radicalement de tous les autres genres littéraires, en ceci que le lecteur ne trouve véritablement satisfaction qu’à la découverte brutale de la solution de l’énigme, et Pierre Bayard ne nous expose que dans les dernières pages du récit le résultat de sa contre-enquête, nous révélant alors simultanément les illusions qui nous ont trompés et notre naïveté.


Isabelle Rüf, Le Temps, 18 décembre 2021

Plaidoyer pour Œdipe

Pierre Bayard ouvre la boîte de Pandore du mythe

Œdipe n’est pas coupable ? Bien sûr que non, a-t-on envie de répondre à Pierre Bayard. Pas besoin d’un livre de plus pour le démontrer. Jouet, comme nous tous, des caprices des dieux, le héros ne peut pas être tenu pour responsable des actes de parricide et d’inceste grâce auxquels il hante l’imaginaire occidental jusqu’à aujourd’hui. Mais là n’est pas le propos d’un essai qui a pour but de démontrer que le héros malheureux n’a tout simplement pas commis les actes qu’on lui impute depuis des millénaires. Comment l’enquêteur arrive à cette conclusion surprenante, « mythoclaste », on ne va bien sûr pas le dévoiler ici, puisque la démarche relève du roman policier. L’auteur n’en est pas à sa première tentative de rendre justice aux héros maltraités par leurs auteurs. Depuis Qui a tué Roger Ackroyd ? (Minuit, 1998), il a enchaîné la réécriture des grandes énigmes : l’élucidation de L’Affaire du chien des Baskerville (2008), La Vérité sur « Ils étaient dix » (2019), une Enquête sur Hamlet (2002).
Mais cette fois, l’auteur affronte un récit qui a imprégné la littérature sous toutes ses formes, la psychanalyse, les sciences humaines. Comme il le dit lui-même : il a ouvert la boîte de Pandore, et l’on ne sait que trop ce qu’il en coûte à ceux qui prennent ce risque. Systématique, il rappelle les faits tels qu’exposés par Sophocle et en énonce les incohérences. Les Grecs croyaient-ils à leurs dieux ? Pour répondre à la question, l’enquêteur relit Paul Veyne et Jean-Pierre Vernant, Freud et son complexe, René Girard pour la théorie du bouc émissaire, Lévi-Strauss et la mythologie des Jivaros.
Penser par soi-même
Sa quête prend aussi la forme d’une investigation sur le terrain. Il découvre la Grèce d’aujourd’hui. Elle ne lui plaît pas mais provoque en lui un vertige : « Quel est donc le pays où la frontière s’efface si facilement entre la réalité et la fiction, au point de se demander si les personnes qu’on croise appartiennent au monde réel ou se sont échappées d’un livre ? »
Comme les opérations de rectification précédentes, Œdipe n’est pas coupable est drôle, brillant, stimulant et dérangeant. On sait que sous leurs habits provocateurs, les analyses de Pierre Bayard incitent à dépasser les lectures officielles et à penser par soi-même.
L’auteur a répété à l’envi qu’il ne se confond pas avec le narrateur de ses livres. On peut s’en féliciter pour lui et pour nous : cet individu se présente comme un homme en fin de vie, aigri, sombrant dans la paranoïa. Il entretient des rapports déplorables avec la Grèce actuelle – son administration déliquescente, sa population feignante – et en tire des conclusions sur son passé mythifié. A trop fouiller ce passé en dépit du refus des autorités de l’aider dans ses recherches, il voit « peu à peu se superposer une hostilité plus sourde, venue de la terre grecque elle-même». La folie le guette et avec elle, le silence.




 

Du même auteur

Poche « Double »

Livres numériques

Voir aussi

Pour une nouvelle littérature comparée, in Pour Éric Chevillard, (Minuit, 2014)



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