Paradoxe


Pierre Bayard

Aurais-je été sans peur et sans reproche ?

Le chevalier Bayard et moi


2024
176 pages
ISBN : 9782707355515
18.00 €


Je me suis souvent demandé comment mon ancêtre le chevalier Bayard – réputé sans peur et sans reproche – avait pu sereinement, au fil de ses batailles, tuer des centaines de personnes innocentes.
Afin d’expliquer ce mystère et de savoir comment je me serais moi-même comporté si j’avais vécu à son époque, je ne vois qu’une solution : voyager dans le passé à sa rencontre, discuter avec lui et ses contemporains en tentant de comprendre leur mentalité et, s’il accepte de m’écouter, lui faire entendre raison.

ISBN
PDF : 9782707355539
ePub : 9782707355522

Prix : 12.99 €

En savoir plus

Le Canard Enchaîné, Frédéric Pagès, 2 octobre 2024

Honneur, gloire et loyauté

“Aurais-je été sans peur et sans reproche ?” s’interroge Pierre Bayard, revêtant l’armure du célèbre chevalier.
« There is no alternative » — « il n’y a pas d’autre choix » —, proclamait Margaret Thatcher dans les années 90. Pour l’auteur, il n’y a que cela de vrai, les plans B. La fiction est une méthode qui rafraîchit les œuvres, hors des sentiers battus et des ornières de l’Histoire. Ici, il se met dans la peau de son illustre homonyme, Pierre Bayard, guerrier mort au champ d’honneur en 1524. Comment être « sans peur et sans reproche » quand on passe sa vie à étriper son prochain dans des combats furieux ?

Voilà l’occasion de plonger dans les guerres d’Italie des XVe et XVIe siècles, 11 guerres bien massacrantes où s’affrontèrent l’Espagnol Charles Quint, le Français François Ier, les Suisses et la cité de Venise, sans oublier le pape, qui, en ces temps bénis, troquait volontiers le goupillon pour l’épée. Et tant pis pour les civils, victimes de ces mêlées sanglantes qu’à la même époque Rabelais qualifiait de « picrocholines », c’est-à-dire confuses, barbares, dérisoires.

Oui, comment un bon chrétien comme Bayard pouvait-il hacher menu « quelqu’un qui appartenait à la même religion » que lui ? Cette question simple était escamotée par une flopée d’alibis ; par exemple, cette notion de « guerre juste » théorisée par saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. À la même époque que la bataille de Marignan, au nom de la « raison d’Etat », Machiavel conseillait au Prince de « ne pas se soucier du renom d'être cruel ». C’est-à-dire de piller et d’affamer, sans états d’âme, villes et campagnes. Dans ces conditions, les idéaux de la chevalerie enjoignant de « porter secours au faible » étaient-ils autre chose que d’'hypocrites camouflages ?

Pour répondre à cette question et avancer dans son enquête, notre auteur convoque Don Quichotte, cet hidalgo de papier qui, intoxiqué par les romans de chevalerie, s'imaginait dans la cuirasse d’un héros de la Table ronde. La fureur de lire serait- elle aussi dangereuse que le fanatisme religieux ? Ce délire littéraire a un nom, c’est le « donquichottisme », « maladie de la lecture » qui, dans les cas extrêmes, lève les interdits fondamentaux, notamment celui de ne pas « mettre à mort son semblable ».

Mais à chacun ses champs de bataille et ses « conflits de loyauté » ! « Aurais-je été résistant ou bourreau ? » se demandait Bayard, le professeur, dans un précédent ouvrage. « Aurais-je dû participer à la bataille de Marignan, ‘cette tuerie sans nom‘ ? » ne s’est jamais demandé Bayard, le chevalier. Et, si, plutôt qu’au sens de l’honneur et de la fidélité au roi, ce costaud avait tout simplement cédé aux plaisirs de la castagne et de l’aventure, à l’odeur de la poudre et du sang, à l’ivresse de la mêlée, à la griserie de la meute ?

Il est vrai qu’un universitaire éprouve rarement ce genre de tentations : « Inapte au métier des armes et incapable du moindre courage physique, je me serais sans hésiter engagé dans les ordres, et j'aurais passé ma vie à prier, à lire et, surtout, à récrire », confesse Pierre Bayard dans ce livre émoustillant. On peut donc rêver au chaud avec lui, imaginer Don Quichotte rejoignant Amnesty International et le chevalier Bayard inventant la Croix-Rouge.


 

 

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Pour une nouvelle littérature comparée, in Pour Éric Chevillard, (Minuit, 2014)



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