Romans


Éric Laurrent

Liquider


1997
192 pages
ISBN : 9782707316028
12.20 €
30 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


Pour Artur Cleine, l'été commence plutôt bien : il conduit un cabriolet sport dans le centre de l'Espagne, Pénélope lui glisse une main sous la chemise et, sur la banquette arrière, un attaché-case déborde de billets de banque – oui, l'été commence bien.
Seulement cet argent, c'est à César Reyes qu'ils viennent de le voler ; et puis c'est aussi à lui que Pénélope est mariée. César Reyes est le patron d'Artur Cleine et, comme tous les patrons, il n'est pas du genre à aimer partager : il va sans doute vouloir reprendre ce qui lui appartient, femme et argent – finalement, pour Artur Cleine, l'été a peut-être bien commencé, mais rien ne dit que ça va durer.
D'autant que, maintenant qu'il s'arrête faire le plein de carburant, il devrait avoir à l'esprit qu'il ne faut jamais laisser une femme seule dans une voiture contenant autant d'argent liquide, jamais – en tout cas, pas Pénélope.
Décidément, en ce qui le concerne, l'été risque de finir beaucoup moins bien qu'il n'a commencé. Encore qu'il y ait Solange.

ISBN
PDF : 9782707330611
ePub : 9782707330604

Prix : 8.49 €

En savoir plus

Fabrice Gabriel (Les Inrockuptibles, 10 septembre 1997)

La musique du monde
Petite leçon de marxisme déconnant, exercice romanesque suicidaire, Liquider ressemble à un roman de Butor récrit par Echenoz. C’est-à-dire à rien de connu.
 
« Comme Les Atomiques, son livre précèdent, le nouveau roman d'Éric Laurrent est absolument irracontable. Liquider résiste à tout résumé, et il suffira pour en définir l'intrigue de citer ses premières lignes : “ Un jour, un homme partit avec la femme d'un autre. Comme cet autre était très riche, l'homme lui vola aussi une forte somme d'argent, très forte, presque tout l'argent. Le lendemain cependant, la femme le quittait à son tour, elle emporta l'argent. En deux jours donc, deux hommes furent quittés par la même femme ; dans ce même laps de temps, ces mêmes deux hommes furent floués de la même somme d'un même argent… ” De l'argent, des femmes, des voitures : Liquider est un roman où ça circule, et vite. Il faut donc être attentif à l'épigraphe fort sérieuse de ce roman très drôle : elle est tirée du Capital ! Même si son auteur tient de Groucho plutôt que de Karl, c'est bien à Marx que le livre emprunte la notion d'échange, pour l'épuiser en des figures et pirouettes toujours aussi virtuoses. Soit donc quelques hommes, dont les noms promettent déjà les pires réjouissances : Szmul Zbytniewek, Pierre Dupont, Carlo Kirnius, César Reyes, Rachid Balzac, Edouard-Homère Malox... Soit aussi une femme, Pénélope, et puis une autre, Solange. Soit enfin Artur Cleine. Entre ces personnages, la fiction établit très vite un commerce étourdissant : les alliances s'échangent et se retournent, les couples se défont et se reforment, selon des combinaisons qui liquident la vraisemblance au seul profit du mouvement. L'argent peut passer de l'un à l'autre, et le désir, et les coups de feu, c'est toujours un même flux de mots qui emporte l'action. Éric Laurrent prend ainsi son titre au pied de la lettre, lui qui dispose de liquidités suffisantes pour s'offrir un roman aussi rapide que le cabriolet sport traversant l'Espagne des premiers chapitres. Son pactole ? Des liasses de mots rares et de cocasseries inventées, des “ iris thé ” de “ L’or mussif ” et quelques formules sûrement serties : “ Rien n’est exténuant comme le plaisir que sa sublimation ” .. Ce plaisir est ici de pur jeu, par le détournement amusé des archétypes attendus (couleur locale, roman d'aventures, intrigue sentimentale...), mais aussi par les effets de miroir et d'abyme qui réfléchissent volontiers le récit, tel ce film d'espionnage où l'on arrive, à force de rebondissements, à l'“ annulation des péripéties les unes par les autres, comme pour en souligner (…) le caractère factice et arbitraire, repousser l'intrigue au second plan et en dégager le champ de la perception du spectateur pour y substituer la seule jouissance du style, la beauté de la forme pure : en faire une œuvre où chaque image eût pu tenir toute seule, indépendamment du corps général. ” Il s'agirait, en somme, de liquider l'histoire. Artur Cleine, sorte de héros-fantôme d'un roman de Butor récrit par Jean Echenoz, est comme l'incarnation floue de cette tentation suicidaire. La fin du personnage et du livre, double et bel instant de révélation paradoxale, indique pourtant qu'Éric Laurrent, en achevant sa décomposition déconnante de l'arbitraire romanesque, aspire peut-être à retrouver “ la musique même du monde ”... Après la rieuse table rase de Liquider, c'est de sa part une promesse de renaissance, et une raison suffisante pour attendre la suite de son œuvre, joyeusement. »

 




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