Critique 


Revue Critique

Critique n° 807-808 : Hong Kong prend le large


2014
160 p.
ISBN : 9782707328052
14.00 €

S'abonner

Version numérique

C’est un tout petit « Dragon », un point à peine visible sur la carte de la Chine. Hormis son cinéma, l’un des plus brillants d’Asie, que connaissons-nous de Hong Kong ?
Depuis sa rétrocession par les Britanniques en 1997 et sa réunion (sous un statut spécial) au géant chinois, Hong Kong est pourtant le cadre d’une expérience politique hors du commun : un bras de fer quotidien de David contre Goliath. Et d’une expérience culturelle singulière : l’invention d’une identité. Soumis par la Chine à de multiples pressions politiques, financières, idéologiques, linguistiques et démographiques, Hong Kong n’en semble que plus résolue à « prendre le large ». Aussi l’avenir de Hong Kong ne concerne-t-il pas les seuls Hongkongais – tant s’en faut.
Ce numéro a été conçu et dirigé par Sebastian Veg, chercheur, traducteur, directeur de la revue Perspectives chinoises et fin connaisseur d’une ville où il vit depuis plusieurs années. Il donne la parole à quelques-uns des meilleurs spécialistes français et étrangers de cette étrange Cité-nation – et avant tout aux Hongkongais eux-mêmes.


Sommaire


Présentation

« BORROWED SPACE, BORROWED TIME »

Kai-cheung DUNG : Atlas. Archéologie d’une ville imaginaire
Extraits de Atlas. Archéologie d’une ville imaginaire (Taipei, Lianjing, 2011) traduits du chinois (Hong Kong) par Sebastian Veg

Jean-Philippe BÉJA : Hong Kong 1997-2014. Consolidation d’une identité politique

Judith PERNIN : Le Hong Kong de Wong Kar-wai. Espace, nostalgie et sentimentalité
Wong Kar-wai, The Grandmaster [Yi dai zongshi]

Wing-sang LAW : La nostalgie coloniale depuis la rétrocession

Evans CHAN : Le cinéma indépendant de Hong Kong. Pratique locale et mémoire nationale

L’ESPRIT DU ROCHER AU LION. TENSIONS ET RESILIENCE

Ho-fung HUNG : Trois visions de la conscience autochtone à Hong Kong
Chan Koon-chung, Zhongguo tianchao zhuyi yu Xianggang [La Doctrine céleste chinoise et Hong Kong]
Chin Wan, Xianggang Chengbang lun [De Hong Kong comme ville-État]
Jiang Shigong, Zhongguo Xianggang : Wenhua yu zhengzhi de shiye [Hong Kong, Chine : perspectives culturelles et politiques]

Edmund W. CHENG : Les vicissitudes de la politique contestataire dans le Hong Kong postcolonial
Francis L. F. Lee et Joseph M. Chan, Media, Social Mobilization and Mass Protests in Post-colonial Hong Kong. The Power of a Critical Event
Peifeng Huang et Yu Xu (éd.), Pre/Post80s. Beyond the Imagination of Social Movement, Discourse and Generation

Chloé FROISSART et Yi XU : Hong Kong et le delta de la rivière des Perles. Liens économiques et activisme social

Karita KAN : Un espace public sinophone sous pression. Les médias hongkongais depuis la rétrocession

Robert BAUER : Le cantonais de Hong Kong. État des lieux et perspectives


François Bougon, Le Monde, 22 septembre 2014

Hongkong, la tentation du large

Dix-sept ans après la rétrocession de Hongkong à la Chine, l’ancienne colonie britannique résiste. Malgré les pressions de Pékin, la société n’a pas été « normalisée », comme le montre ce numéro de la revue Critique intitulé « Hongkong prend le large ».
Avant 1997, date du retour dans le giron continental, les pessimistes avaient prédit, pêle-mêle, la chute de cette place forte de la finance en Asie, le déclin du cantonais, langue parlée par les sept millions d’habitants, ou l’impossibilité de maintenir la fiction de l’accord « un pays, deux systèmes » conclu en 1984 par Margaret Thatcher et Deng Xiaoping…
Mais la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu. Loin de là. Hongkong, à la société civile bouillonnante, a conservé son identité propre. C’est ce que montrent les différents articles qui traitent d’aspects très divers, de la politique au cinéma ou aux médias, en passant par la littérature. Ils ont été rédigés à la fois par des Hongkongais et des spécialistes étrangers, comme le sinologue français Sebastian Veg, qui a supervisé ce numéro. Il ouvre par une curiosité : des extraits du livre de l’écrivain Kai-cheung Dung, Atlas. Archéologie d’une ville imaginaire, publié en 1997 avant la rétrocession. Cet ouvrage, « recueil de “cartes” textuelles », a souvent été rapproché « de l’écriture de Calvino ou de Borges », souligne M. Veg.
Si Hongkong a bénéficié d’une certaine bienveillance et d’un soutien de la Chine, en particulier lors de la crise financière de 1997, cette dernière a aussi été influencée par ce bout de territoire symbole de l’humiliation coloniale subie au XIXe siècle par l’empire chinois des Qing. La liberté d’expression et l’activisme d’une société civile puissante en provenance de Hongkong déteignent sur le climat politique de la province voisine du Guangdong. « Les flux transfrontaliers jouent dans les deux sens et, pour beaucoup d’activistes, ils représentent également une opportunité de faire évoluer les rapports de force au Guangdong et, à travers lui, d’influer sur l’évolution politique de la Chine », écrivent la sinologue Chloé Froissart et Yi Xu, maître de conférences au département de sociologie de l’université Sun Yat-sen (Canton), dans un texte consacré aux ONG basées à Hongkong militant pour les droits des ouvriers chinois.
Mais depuis 2003 et la tentative de transposer en droit hongkongais le crime d’atteinte à la sûreté de l’État, utilisé en Chine continentale pour condamner les dissidents, le climat s’est tendu. La mobilisation du camp démocrate, en particulier des étudiants, tout comme l’hostilité envers les touristes venus du continent en sont les signes les plus visibles.
Alors que Pékin vient de définir, de manière restrictive, les conditions de désignation au suffrage universel du chef de l’exécutif et du conseil législatif, Ho-fung Hung, chercheur à la Johns Hopkins University (États-Unis), revient sur les débats suscités par le rapprochement progressif avec la « Mère patrie », définissant trois réactions et positions distinctes : l’« impériale », la « libérale » et l’« autonome », représentant « respectivement la ligne de Pékin, impatient d’assimiler Hongkong et d’y imposer sa manière d’exercer le pouvoir sur le territoire ; les démocrates traditionnels de Hongkong, qui font reposer leurs espoirs non sur la lutte des Hongkongais mais sur une illusoire réforme démocratique de la Chine ; et les mouvements autonomistes locaux en gestation, qui défient Pékin et prônent une démocratie de Hongkong au combat plus large pour la démocratisation de la Chine, que de combattre l’attitude néoimpériale de la Chine ».


Frédéric Lelièvre, Le Temps, 21 octobre 2014

L’esprit du lion rugit à Hongkong

Dans un numéro spécial, la revue Critique décrypte la révolte de l’ancienne colonie britannique.

Depuis plus de trois semaines, Hongkong se bat pour la démocratie, et contre Pékin. Mais quel est donc ce Hongkong dont l’argent constituait, il y a peu encore, la seule religion ? Paru juste avant le soulèvement populaire, le dernier numéro de la revue Critique propose un décryptage d’une saisissante prescience, réalisé par plusieurs universitaires et écrivains à Hongkong, ou de Hongkong. Si la démocratie a peu de chance de l’emporter, écrit ainsi Jean-Philippe Beja, un des contributeurs, «il est tout aussi improbable que Pékin puisse, dans un proche avenir, imposer sa vision de la démocratie, les démocrates, avec l’appui de la société hongkongaise, paraissant en mesure d’empêcher le gouvernement central et ses alliés de transformer Hongkong en une autre ville chinoise».

Identité culturelle propre
La région administrative spéciale compte sept millions d’habitants, presque autant qu’en Suisse, mais sur un territoire 37 fois plus petit. Elle est habitée par «l’esprit du Rocher du lion», un mont de 495 mètres de haut qui domine la péninsule de Kowloon et l’île de Hongkong. Cette «expression hongkongaise renvoie à la fois à la dureté qui fut celle des conditions de vie sur ce roc inhospitalier et au travail acharné de ses habitants pour surmonter les difficultés», écrit Sebastian Veg, auteur de la préface. Or, le lion rugit. «Depuis deux ou trois ans», en réaction à la pression croissante de Pékin, grandit la «revendication d’une véritable identité culturelle hongkongaise, postcoloniale et distincte de la Chine, que rien ne laissait présager au moment de la rétrocession».
À l’époque, en 1997, Pékin estimait qu’une fois «le poison colonial extirpé du système éducatif», l’identification culturelle à la Chine irait croissant, poursuit Sebastian Veg. «Force est de constater que l’évolution a été exactement inverse. La décolonisation de Hongkong ne s’est pas faite par une identification croissante avec la Chine, dont l’interventionnisme a été vécu au contraire comme une tentative de recolonisation.» L’année 2003 marque d’ailleurs un tournant, lorsque plus d’un demi-million de personnes descendent dans la rue pour s’opposer à un durcissement de la loi qui menaçait de réduire à néant une liberté d’expression déjà malmenée.
Quel sera le Hongkong de demain ? Le livre résume trois visions. Le «point de vue impérial», d’abord. Le principe «un pays, deux systèmes» n’est qu’«un simple arrangement tactique et transitoire». Le sort qui attend Hongkong «est celui que le Tibet a connu depuis 1959 : l’assimilation forcée et un contrôle fort et direct exercé depuis Pékin». Pour les démocrates de Chine, en revanche, Hongkong est «un champ de bataille plus large entre les libéraux et les conservateurs étatistes» du continent. Enfin, pour les Hongkongais, l’enjeu est aussi démographique, car «l’afflux de touristes continentaux [41 millions en 2013] et de migrants est la plus grande menace qui pèse sur les institutions et les coutumes de la société hongkongaise».


 

Précédents numéros





Toutes les parutions de l'année en cours
 

Les parutions classées par année