Romans


Tony Duvert

Paysage de fantaisie

Prix Médicis 1973


1973
230 pages
ISBN : 9782707303417
19.50 €


 Ce roman contient, comme chacun de mes précédents livres, des obscénités homosexuelles, des violences, et même des passages amusants : autant de choses qui inspirent un dégoût légitime. Toutefois, si on saute ces endroits pénibles, on trouve ici et là quelques lignes capables de retenir un peu l’intérêt des honnêtes gens ; la forme romanesque, assez singulière, excitera peut-être aussi leur curiosité.
Les personnages de Paysage de fantaisie – le titre est celui d’un tableau, étrangement sadien, de Francesco Guardi – sont des enfants, c’est-à-dire un adulte moribond, puisque l’enfance n’existe pas.
Car les enfants ne nomment pas l’enfance ; leurs jeux mêmes la nient, la tirent vers un ailleurs pourtant inhabitable : le monde adulte, la “ réalité ”.
En cela, l’enfance et l’écriture usent d’un imaginaire identique : elles créent inconsidérément le réel, elles le mettent en pièces, le reforment, s’y adonnent dans cette illusion et ce dédoublement propre au jeu, où l’on fait semblant pour de bon.
C’est pourquoi une fiction – et une perversion – vouée à l’enfance ne peut que jouer avec cet illusoire, être deux fois fictive – partagée entre la croyance qu’elle a dans l’univers mythique qu’elle met en scène, et la certitude qu’il est pur fantasme, mensonge invivable, trop vrai pour être vrai, comme tout objet de désir, de souvenir ou de culture. 
Tony Duvert

Bertrand Poirot-Delpech (Le Monde, 1973)

 La rumeur rive gauche est formelle : le jeune auteur qui monte, qu’on ne va pas tarder à citer et à imiter, c’est Tony Duvert. À preuve la revue Minuit lancée en novembre par les éditions du même nom : de tous les écrivains maison inscrits au premier sommaire – Beckett, Pinget, Robbe-Grillet – c’est Duvert qui fait l’ouverture, avec un texte en forme d’éditorial sinon de manifeste, “ La Lecture introuvable ”. La jeune génération qui rêve d’une contre-culture sans compromis ne fait que reproduire, en plus dur, l’idéal de consommation, et préfère les arts d’image, tellement plus apaisants. La seule vraie subversion conduisant à un monde libéré passerait donc par le risque, partagé entre auteurs et lecteurs, de détruire jusque dans nos corps les vestiges de l’idéologie en place.
Pour opérer cette sape – d’autres disent dé-construction –, Tony Duvert compte notamment sur la pornographie, jugée moins bourgeoise, moins récupératrice que l’érotisme, et sur des comportements réputés anormaux : homosexualité, sadomasochisme, nécrophilie. Ces thèmes se retrouvent développés jusqu’à l’obsession dans Paysage de fantaisie

Claude Mauriac (Le Figaro, 1973)


 L’auteur de Paysage de fantaisie nous révèle dans ce passage continu de l’abominable au délicieux et de l’exécrable à l’exquis, des dons et un art que le mot talent ne suffit pas à exprimer. Là est le miracle de ce livre scandaleux où, de la perversion la plus vertigineuse, mystérieusement naît le mot qui fera horreur à Tony Duvert, mais c’est bien son tour : l’innocence. 


Madeleine Chapsal (L’Express, 1973)

 Tony Duvert, dont le public ne cesse de s’étendre, a vingt sept ans, et Paysage de fantaisie est son cinquième livre. Un très grand livre.
Par moments, insoutenable. Un livre où la lecture difficile retrouve sa dimension trop souvent perdue d’activité subversive.
Un semblant de narrateur qui est peut-être un adulte fait peut-être des rêves qui mettent en scène des enfants. Mais ces rêves-là réveillent à coup sûr : ils sont de ceux que la morale condamne, que la société réprouve, que la justice châtie, que le conscient refoule et dont l’honnête et désormais très officiel discours sexuel n’a jamais eu vent. Or la sexualité, justement, si on en parle, si on veut en écrire, s’il s’agit d’en connaître et d’en savoir plus long, sur sa réalité comme sur sa fantasmatique, il faut bien admettre que c’est ça ce qu’écrit Tony Duvert. Féroce, mais c’est aussi extrêmement drôle. 

 




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