Paradoxe


Jean-Louis Chrétien

Parole et poésie

Textes réunis et présentés par Jérôme Laurent


2023
224 pages
ISBN : 9782707348746
24.00 €


Comment la structure d’horizon propre à la phénoménologie de Husserl peut-elle aider notre lecture de la poésie ? Quel est le sens de la présence centrale du cri dans l’œuvre de Bonnefoy ? Pourquoi la parole amoureuse peut-elle autant intégrer l’ensemble du monde pour louer la personne aimée que l’oublier selon le projet d’une fusion où l’érotique est pensée comme expérience de l’absolu ? En quoi la parole impossible dont témoignent les récits des mystiques est-elle une tension vers une parole retrouvée ? Quel peut être le rôle des pronoms « je », « tu », « nous » dans l’écriture des sermons de saint Bernard ? Quelle est la dimension vocale de la parole encore présente dans la solitude de l’acte de lire ?
Ces questions où parole et poésie se croisent dans la louange, la prière, la parole érotique ou la célébration de la gloire du monde sont posées en interrogeant notamment les œuvres de Ronsard, Lamartine, Baudelaire, Hugo, Rilke, Valéry, Claudel, Michaux ou encore André du Bouchet, Pierre Reverdy et Luis Mizón. C’est l’aventure poétique du souffle de la voix humaine que médite Jean-Louis Chrétien dans les dix chapitres de ce livre.

ISBN
PDF : 9782707348760
ePub : 9782707348753

Prix : 16.99 €

En savoir plus

Didier Pinaud, Les Lettres françaises, juillet-août 2023

L’arrière-pays de Jean-Louis Chrétien

 

« L’être humain, dit Heidegger, repose dans la parole » et il lui arrive même parfois d’habiter le monde « en poète », c’est du moins ce que la parole ne cesse de promettre, disait le philosophe Jean-Louis Chrétien dans un livre intitulé Promesses furtives (Minuit, 2004) où il nous invitait à essayer d’accéder à cette jouvence de parole – comme aussi dans chaque note de Bach, chaque touche de Rembrandt, chaque mot de Platon d’une gravité exceptionnelle, disait-il…
Jean-Louis Chrétien nous a quittés il y a quelques années (en juin 2019), mais nous revient aujourd’hui dans un livre posthume, Parole et Poésie, un titre dont il n’est pas l’auteur mais qui rassemble, sous la direction de Jérôme Laurent, des textes qu’il avait lui-même publiés dans différentes revues – à  l’exception du premier chapitre de ce volume, intitulé « Phénoménologie et poésie, où il cite le paragraphe 70 des Ideen 1 de Husserl, avec ces phrases devenues célèbres : « La fiction constitue l’élément vital de la phénoménologie comme de toutes les sciences eidétiques ; la fiction est la source où s’alimente la connaissance des vérités éternelles » - des mots qui disent l’importance de l’imagination en phénoménologie, qui signifie « étude » des phénomènes – qui dit ce qui se montre, tel qu’il se montre de lui-même, le fait de voir à partir de lui-même – et qui vient se résumer dans la maxime : « droit aux choses mêmes ! », comme le disait aussi Martin Heidegger au début de Être et temps, où il prenait gentiment ses distances avec son maître Husserl, qui lui aussi, selon lui, avait oublié la question de l’être et ce, même si l’ontologie n’est possible que comme phénoménologie, comme le reconnaissait pourtant Heidegger…
Mais dans « phénoménologie et poésie » c’est « poésie » qui compte le plus pour Jean-Louis Chrétien, quand la poésie constitue « une négation de la négation », qui conquiert de « haute lutte sa plénitude en niant la non-poésie » : c’est la parole poétique d’Yves Bonnefoy (sa « poétique du cri », dit Chrétien), la parole érotique de Paul Eluard, de Ronsard, de Villiers de l’Isle-Adam, chez qui s’accomplit « le phénomène immarcescible de la conjonction des sexes » comme l’aurait di un poète ô combien érotique, Gilbert Lely ; et c’est ce qui nous arrive avec la parole mystique, dit Chrétien, à savoir l’Un, Dieu, car il faut bien voir que Jean-Louis Chrétien fut sans doute celui qui avant tout portait bien son nom – mais qui fut « chrétien » comme le fut une Simone Weil, par exemple, qui n’avait qu’un pied dans l’Eglise, et qui lui-même a moins Dieu que l’Un de Plotin en tête, et peut-être même cette phrase à propos de l’Un chez Plotin qui ouvre le récit L’Arrière-pays d’Yves Bonnefoy : « Personne n’y marcherait comme sur terre étrangère » ; car toute la philosophie de Jean-Louis Chrétien est en effet comme une sorte d’arrière-pays de la philosophie moderne, qui reste quand même tournée vers l’action, la production, quand le philosophe Jean-Louis Chrétien en serait bien resté, quant à lui, à la contemplation, en compagnie de Plotin qu’il lisait si bien qu’il ne savait même plus qu’il le lisait – où le livre se lit lui-même à travers l’homme Jean-Louis Chrétien qui se penche sur lui et qui lui fait faire, dans Parole et Poésie, un paradoxal éloge de l’illettré, c’est-à-dire de celui « qui laisse les phénomènes muets venir à lui sans les avoir enserrés, emprisonnés, saisis dans un texte préalable » - et qui lui faisait parfois parler de paix, comme dans son volume « Pour reprendre haleine. Dix brèves méditations » (Bayard, 2009), mais aussi de la douceur, de l’abandon, de la blessure, de l’attention (comme Simone Weil), de la fragilité, qui est aussi le titre d’un de ses plus beaux livres (Minuit, 2017), où il tournait autour de la Coupe d’or de H James, qui témoigne de « l’art disparu », d’une « époque disparue », qu’il faut à présent aller chercher dans l’arrière-pays de Jean-Louis Chrétien et de sa conscience au grand jour



Lire l'article d'Elie Collin dans Actu Philosophia, 14 mai 2023

 


 

 Robert Maggiori, Libération, 8 avril 2023


En perdant Jean-Louis Chrétien (juin 2019), la philosophie a perdu l'une de ses voix les plus singulières et profondes. Il est donc heureux qu'on puisse la faire encore entendre dans ce recueil, établi par Jérôme Laurent, qui collige des articles de revue ou des conférences (dont on ne peut pas dire que la connaissance en soit "publique") tournant autour de la poésie et de la parole - la parole mystique, la parole amoureuse, la louange, le sermon, la prière, le silence, l'adresse à Dieu, le cri, la parole perdue et retrouvée, "la chair, les mots et le souffle", ou, justement, la voix. "La voix à l'oeuvre dans la parole humaine a pour vocation la rencontre : c'est grâce à la voix humaine que le corps n'est pas condamné à l'auto-affection du plaisir ou de la douleur, à l'immanence solitaire de la passivité de la chair." La voix toujours vive de Jean-Louis Chrétien - souvent murmure et susurrement - se mêle ici, avec pudeur et discrétion, à celles des poètes Ronsard, Lamartine, Baudelaire, Hugo, Rilke, Valery, Claudel, Michaux ou André du Bouchet, Pierre Reverdy et Luis Mizon.

 

 

 




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