Philosophie


Jean-Louis Chrétien

Corps à corps

À l’écoute de l’œuvre d’art


1997
Collection Philosophie , 160 pages
ISBN : 9782707315847
21.50 €


La rencontre des artistes et du visible est tout à la fois approche et lutte, un corps à corps. Peinture et poésie n’ont cessé de répondre, à leur façon propre, aux manifestations du corps humain. Le concept de création est-il pertinent pour penser leur faire-œuvre ?
De l’esprit, le corps témoigne diversement dans son chant ou son silence, sa nudité ou ses absences... De Chardin à Braque, de Rembrandt à Delacroix, de Keats à Verlaine, de Mallarmé à Claudel, l’art approfondit ce que ses actes ont d’inépuisable.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Adresse – Comment lutter avec l’irrésistible – Le silence dans la peinture – Un polyptyque de sommeils – L’étrange beauté de Charon – Le chat comme instrument de nudité – Du dieu artiste à l’homme créateur – Comme un lien liquide – Larmes élémentaires – Index nominum.

‑‑‑‑‑ Extrait de l’ouvrage ‑‑‑‑‑

Corps qui s’étreignent pour lutter ou luttent pour s’étreindre, corps qui par tout eux-mêmes écoutent, à moins qu’ils n’en jouent, d’invisibles ou de visibles musiques, corps qui s’endorment de tristesse, d’ivresse ou de sérénité, corps qui se dénudent, corps qui nagent en divers milieux, corps qui mêlent leurs larmes à celles de la mer – tels sont les phénomènes à la rencontre desquels s’avancent les pages que votre regard vient d’aviser. À travers leur diversité, une même inquiétude, de ces joyeuses inquiétudes qui font se poursuivre nos pas, se lever nos yeux encore, et toujours battre le cœur, les habite et les parcourt. Que seul le corps témoigne de l’esprit, et sans fin nous en adresse les lettres de créance, ou d’apostasie et de reniement, cela suffit pour garantir le caractère inépuisable de ses manifestations, et pour nous tenir en éveil. Elles appellent la parole qui en recueille le sens pour s’y traduire et y reprendre souffle, incessamment.
De ces manifestations, il sera ici question de façon antiphonique, c’est-à-dire alternée, selon la réponse, les réponses plutôt que les mains silencieusement parlantes des peintres et la voix secrètement lucide des poètes leur donnent, nous les livrant, nous les transmettant par cette réponse même et en elle. C’est en effet, une photographique incursion mise à part, à la peinture et en second lieu à la poésie que sont vouées les études qui suivent. Il ne s’agit pourtant ni d’histoire de l’art ni d’esthétique, mais d’un dialogue avec les œuvres et avec ce qu’elles regardent. En répondant par un acte manuel de présence (dessiner, peindre, écrire, qui en grec sont le même mot graphein) aux actes de présence du corps, en délivrant à la forme verbale ou plastique ce qui de l’esprit vient s’attester en eux, poésie et peinture ne nous procurent pas de nouveaux objets à considérer, mais une source neuve d’inquiétude.
Leur réponse appelle à son tour que nous en répondions pour que la brûlure du visible qui la suscita ne vienne pas en nous s’éteindre ni se cicatriser. Cette réponse est ici écrite : il n’y aura pas d’images, pas de  reproductions , le propos n ‘étant pas de se substituer aux œuvres, mais d’en provenir et d’y adresser. Elle aura été donnée manuellement, sans qu’il y ait de dernière main, pas plus qu’il n’y en a de première. C’est pourquoi l’antépénultième étude cesse de séjourner auprès des œuvres pour tenter, de façon plus historique, une généalogie de la notion de créateur, en tant qu’elle en vint à s’appliquer à l’artiste. Grave fut cette décision de transfert, et les conséquences en tombent encore sur nous. Peut-être y va-t-il en elle d’un oubli de la main, et de sa dignité. Si la vôtre continue de tenir ce livre, vous aurez compris qu’il ne saurait y avoir ici de préface ni d’introduction, mais seulement une adresse, une indication pour cheminer, laquelle n’est elle-même qu’en transit. Elle va déjà, vous aussi. Que la lumière vous soit propice !


 




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