Un homme se souvient d'un fait divers.
Un fait divers, cette étrange aventure qu'un film a fait resurgir d'un passé lointain ?
Ce docteur, dont le nom est oublié et la tombe introuvable était-il un génie que sa propre invention a détruit, ou un simulateur qui se donnait de l'importance ?
Et ce “ maître ” qui s'enorgueillit de sa naissance comparable à celle du Christ, est-il venu annoncer l'entrée de l'humanité dans une nouvelle ère, ou n'est-ce qu'un banal détraqué sexuel ?
Et cette pure jeune fille – mais rencontre-t-on de pures jeunes filles, la nuit, dans un cabaret mal famé ? – qui dit appartenir à l'un et devient le jouet de l'autre, parviendra-t-elle à les soustraire à leur tragique destin ?
L'homme se souvient aussi d'un jeune prêtre qu'on appelait Don John, et qui avait été amené à jouer un rôle dans cette affaire, parce qu'il se croyait l'élu des dieux autrefois puissants.
Mais les autres hommes, bien vivants ceux-là, qui l'entourent dans la salle d'hôpital où on le soigne, quelle force le pousse à raconter leur histoire, comme s'ils en avaient une ?
Dominique Robert (L’Humanité, 5 septembre 1983)
Ça tient à la fois de Marguerite Duras de Docteur Jekyll et Mister Hyde, ce Play-Back d'André Hodeir. Deux heures enchevêtrées sans lien apparent avoué, aussi désespérantes l’une que L’autre, une technique qui doit beaucoup au Nouveau Roman. Le tout présenté comme un manuscrit retrouvé et publié par hasard.
Dans un hôpital avant-guerre, une salle commune réservée aux tuberculeux. Plusieurs grabataires, dont l'un, le narrateur – qui parle de lui à la première personne du pluriel – écrit sur des feuilles éparses le récit de ce qu’il vit, avec cynisme : les morts et les guérisons, l’enfer quotidien de l'hôpital et même un crime, l’assassinat de “ l’Auguste ”, par “ le Pugiliste ”. Un microcosme de l’horreur.
Et l’histoire de Myriam, une jeune femme victime d’un sadique, sauvée par un généreux médecin et qui lui vouera en retour un amour absolu. Elle vivra des turpitudes dignes d’Histoire d'O, jusqu'au jour où elle apprendra et réalisera avec effroi mais sans cesser de l’aimer que son protecteur, et son tortionnaire, ne sons qu'une seule et même personne, Docteur Jekyll et Mister Hyde, remake d'un film célèbre, dans un roman truffé de références cinématographiques : Chaplin, Buster Keaton, Laurel et Hardy ou W. C. Fields !
Play-Back, deux voix qui se mêlent : le malade de l'hôpital qui écrit pour retarder lucidement une mort qu'il sait inéluctable, et crée le personnage de Myriam à qui il prête vie et voix pour qu'elle raconte à son tour sa terrible histoire à Don John, son confesseur énigmatique et inquiétant.
Le livre d’André Hodeir est étonnant, qui allie une remarquable maîtrise de la technique romanesque à une écriture de très grande qualité : un double journal de l’horreur ordinaire.
Jean-Claude Perrier (Le Quotidien de Paris, 20 septembre 1983)
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On le savait déjà écrivain, car ses textes sur la musique sont ceux de quelqu'un qui ne manie pas la plume au hasard, au contraire. On le savait aussi amateur de fiction littéraire car, outre une passion affichée pour James Joyce (dont il a pris Finnegans Wake comme prétexte musical), il avait déjà organisé l'ouvrage Les Mondes du jazz en empruntant les techniques du récit et de l'écriture dite littéraire.
Difficile de résumer ce livre organisé à partir de plusieurs textes qui s'enchevêtrent comme les motifs d’une composition musicale complexe. Disons quand même que le récit dominant met en scène la relation d'une femme qui va découvrir que L’homme qu'elle vénère et désire et celui qu'elle subit comme amant et bourreau sont une seule et unique personne, l'autre étant l'envers du même son double monstrueux et inséparable. Le récit, mené d'une main de maître, s'achève dans une atmosphère énigmatique et trouble. Entre les épisodes, des histoires vont s'insérer en contrepoint, introduisant des thèmes que l'on peut déchiffrer comme autant de réflexions sur l'écriture, la représentation, la fiction, le jeu, la répétition, l'absence et la mort. Soit, encore, autant de thèmes à partir desquels on pourra trouver son sens, ou plutôt ses sens, au play-back du titre.