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Le Bal masqué de Giacomo Casanova (1725-1798)
1985
Collection Critique , 174 pages
ISBN : 9782707310040
10.05 €
L’Histoire de ma vie peut-être lue comme on le ferait d’un   recueil d’anecdotes passionnantes, n’ayant de lien entre elles que   les hasards de la succession du temps. Si la lecture se fait plus pressante,   elle dévoile un écrivain qui compose son discours en même   temps qu’il dessine son autoportrait. Casanova se montre alors aux prises   avec les mêmes lancinantes questions : celle de la différence   des sexes, celle de l’autorité, celle du temps.
   Il ne veut pas les résoudre en les prenant de front. Quand il s’y   aventure c’est l’échec et, bientôt la descente dans   le sordide et l’horreur. Il préfère le plus souvent fabriquer,   pour les tourner et même pour ne plus les voir, des masques toujours plus   sophistiqués et plus habiles, qu’il réussit même à  dérober à l’attention   du client.
   Alors qu’il se met sans cesse en avant, comme s’il tenait le premier   rôle sur les planches qu’il ne peut quitter, il prend soin, dans   le même temps, de nous  égarer et de rendre invisibles les solutions   de son énigme, insérées qu’elles sont dans la subtile   architecture de son récit.
   Il nous faut l’écouter avec patience et le saisir, au détour   des phrases ou des chapitres, dans ces détails qu’il laisse traîner   comme par mégarde et qu’il recouvre par la rapidité de   son style, de ses aventures et de ses voyages.
   
   ‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑
   
   Avant-propos – 1. L’appareillage des amours – 2. Le   parfait alibi –  3. Passage dans l’horreur – 4. L’irresponsable   fuyard – 5. La disparition du féminin – 6. Un uniforme   de caprice – 7. Grâce à la magie – 8. Le plus   honnête homme au monde – 9. Le quadrille –  10. Le   plus puissant de tous les hommes – 11. Clôture du premier acte  – 12. L’ordre   social par l’inceste.
   Frédérique Mérie (Le Matin de Paris, 19 février   1985)
   
    To be or not to be Casanova
   Dans un divertissement d’une rare pertinence, François Roustang     entend mettre à  nu le célibataire mythique. 
    
     François Roustang s’est ingénié à nous   faire goûter tous les arcanes du séditieux le plus séduisant   du XVIIIe siècle italien, Giacomo Casanova. Il est vrai que les   six tomes de ses Mémoires contribuent, plus que généreusement, à son   propre dévoilement. Encore faut-il savoir les lire : l’homme   n’est pas moins trompeur (quant à lui-même) que l’amant   n’est rusé (quant aux femmes). Feignant de se dévoiler, il   se travestit à  l’envi, prenant toujours bien soin de cacher ses   dessous...
    En réalité, ce séducteur roublard n’a cesse de changer   de fard et d’habits. C’est pourquoi le bal est dit masqué,   où François Roustang, lui, ne cache pas le très malin plaisir   qu’il prend à faire glisser masques et bergamasques. Oreille flottante, œil   amusé, esprit avisé, ce remarquable analyste des Mémoires mène   le bal comme un grand divertissement destiné  à favoriser la délicate   mise à nu du célibataire mythique. À suivre le tourbillon   des aventures tant frauduleuses qu’amoureuses du séducteur patenté,   Roustang s’amuse et nous amuse à loisir piquant ça et là les   signes et les répétitions qui se répondent, parmi toutes   les frasques et les forfaitures de notre anti-Don Juan, éternel affolé de   la distinction des sexes.
    Et tandis que notre libertin de fortune se brûle infiniment les ailes à  l’insoutenable   différence des sexes, notre sémiologue averti se distrait délicieusement à frayer   avec cette canaille, la coinçant de temps à autre au lieu le plus   flagrant de ses peurs d’enfant délaissé et “ ensorcelé ”,   de ses fantasmes d’adolescent tout-puissant ; de ses rires d’adulte   innocentant les impostures perpétrées. Roustang regarde l’enfant   jouer, l’adolescent triompher, l’adulte se fatiguer de ses succès   de scène. Relapse professionnel, Casanova semble passer sa vie à conjurer   le temps. Il n’en veut rien apprendre ni savoir, il ne s’engage à rien   et à personne, il ne s’estime responsable de rien... en bref, il   n’y est pour rien.
    C’est ainsi qu’il peut apparaître comme un véritable   passeur d’amour : d’une rive à l’autre de la toute-puissance   et de la toute-peur, il dit l’amour  – il se dédit, il va   au fait – il se défait, il tient le fil – il se défile,   ou plutôt – comme le pointe Roustang, avec ce que l’image a   d’irrésistiblement comique sexuellement – il a “ cette     manière imparable de ne pas s’engager pour n’avoir pas à se     dégager ”...
    Toujours, et de toute bonne foi, Casanova agace “ gentiment ” les   sens et les sentiments des femmes, énerve un peu les lois, titille l’homosexualité et   l’inceste. Il mène, comme dit Roustang, “ une subversion     sans révolution ”. Et, pour un homme qui “ adore       ce qui est sans cause ”, il semble réellement n’agir – dans   sa passion de l’ignorance, du tout à l’avenant et du tout   permis – qu’en donnant effet (et faisant de l’effet !)   au principe d’incertitude qui préside à tout son être.   Incertain de son sexe, Casanova ne peut (se) prendre (pour) quelqu’un,   qu’en (se) le prenant pour un autre, d’où ses pratiques toujours   renouvelées de substitution, sophistication et inversion des sexes et   de sa propre image sociale (il est tour à tour séminariste, militaire,   magicien, joueur de violon, vendeur de loterie).
    Casanova passe donc sa vie à courir après l’indécidable   amour, tout épouvanté  et fasciné par les femmes, leur “ sanctuaire ” (sexe),   leur  “ temple ” (anus) et leurs “ bénéfices ” (règles).   La démonstration de François Roustang est magistrale, presque trop   convaincante ; le “ presque trop ” tenant à cette   déception tragi-comique de voir que Casanova tout nu n’est finalement   plus qu’une petite figure, un peu mesquine, de la fuite.
    Mais gageons que le rire gagnera toujours à la lecture des Mémoires et   du Bal masqué. Donnons-en pour gage ce mot de Bellino-Thérèse, “ la   femme-homme castrat ”, à Casanova. “ Vous   parviendrez à me     menacer de la mort, si je vous défendais de pénétrer dans     un temple inviolable, dont la porte ne fut faite par la sage nature que pour être     ouverte au sortant. ”  A-t-on jamais refusé plus joliment   son trou du cul ? 
    
       Roland Jaccard (Le Monde, 8 mars 1985)
 
    Giacomo Casanova, psychanalyste de François Roustang
   Où l’auteur remercie le séducteur de l’avoir fait     rire.
    
     Peut-on être psychanalyste sans verser dans le sectarisme,   sans idéaliser la doctrine freudienne, sans s’attribuer un rôle   révolutionnaire dans le domaine du savoir ? Oui, c’est possible ;   mais c’est en même temps si exceptionnel que deux livres seulement Un     destin si funeste (Éditions de Minuit, 1976) et ...Elle ne     le lâche plus (Éditions de Minuit, 1980) ont suffi à François   Roustang pour devenir le censeur le plus lucide et le plus apprécié de   cette comédie que se jouent à eux-mêmes, devant un public   autrefois fasciné, aujourd’hui de plus en plus rétif, les   monstres sacrés du freudisme.
    De cette entreprise de démystification, François Roustang est passé à un   livre... sur Giacomo Casanova. Dans une lettre qu’il envoie à l’infatigable   séducteur vénitien, il le remercie de lui avoir permis de découvrir   des points de vue nouveaux sur quelques questions qui hantent sa vie : celles,   par exemple, de la séduction, de l’homosexualité, du besoin   de subvertir toutes les valeurs.
    Surtout, François Roustang tient à remercier Casanova de l’avoir   fait rire : “ C’est un peu de mon impayable sérieux     que j’ai dû abandonner à votre contact ”,   lui confie-t-il. Casanova, psychanalyste de François Roustang ? Pourquoi   pas ? En tout cas, l’intelligence est au rendez-vous de cet ouvrage,   ainsi que le talent. Voici longtemps qu’un psychanalyste ne nous avait   pas convié à  pareille fête. 
    
       Bernard Edelman (Libération, 8 juin 1985)
 
    Casanova, c’est ça
   Sur le divan de François Roustang, Giacomo Casanova lève ses masques.     Séducteur infatigable ou moine contemplatif : la sexualité d’un     enfant ecombré d’un phallus. Dieu avec lequel il croyait tuer     la mort.
    
     Casanova est un mystère : pourquoi, en effet, un homme   est-il pris, dès sa jeunesse, du désir forcené de séduire ?   De quel vertige est-il saisi, celui dont l’unique passion est de collectionner   les femmes, tout en consignant soigneusement, en de prolixes mémoires,   le récit de ses exploits ? François Roustang s’est bien   gardé de donner la réponse. Dans un livre faussement désinvolte,   il nous donne à voir “ le bal masqué ”  que   Casanova a mené sur la scène du monde. À nous, lecteur,   d’en tirer la leçon, si leçon il y a : le psychanalyste   ne dira rien de plus sinon, dans une pirouette, qu’il a un peu perdu, au   contact de ce prestigieux séducteur, de son “ imparable     sérieux ”.
    En vérité, et au risque de recouvrer ce sérieux que Roustang   a jeté aux orties, je pense que les aventures de Casanova posent une question   cruciale : le séducteur n’est-il rien d’autre qu’un   enfant affublé d’un phallus encombrant ? Et, pis encore :   n’est-il point voué, à son corps défendant, à concevoir   l’amour – et le désir comme une expérience d’irréalité,   c’est-à-dire une expérience où l’autre est le   signe magique d’un imaginaire enfantin qui ne veut pas mourir. En fait,   le phallus de Casanova condense tout le mystère de l’enfance, ses   désirs de toute-puissance et de gloire et c’est pourquoi, le petit   garçon que nous persistons à demeurer, s’émerveille   devant ses exploits. Ici, on gagne des femmes – comme ailleurs des batailles – mais   le fonds est le même : on gagne magiquement, dans un monde où les   figures, les danses, les propos n’ont pas plus de réalité que   les histoires qu’on se racontait avant de s’endormir. (…)
    On lira avec intérêt ce petit livre dont la précision et   la modestie tranchent sur les discours compassés ou échevelés   de nos psychanalystes quotidiens.(…) 
Du même auteur
- Un destin si funeste, 1977
- Elle ne le lâche plus, 1981
- Le Bal masqué de Giacomo Casanova (1725-1798), 1985
- Influence, 1991
- Qu’est-ce que l’hypnose ?, 1994


