Paradoxe


Georges Didi-Huberman

La Ressemblance par contact


2008
Collection Paradoxe , 384 p., 102 illustrations in-texte
ISBN : 9782707320360
29.90 €


Pourquoi les artistes modernes et contemporains ont-ils, aussi obstinément, exploré et utilisé les ressources de l'empreinte, cette façon en quelque sorte préhistorique d’engendrer les formes ? - En quoi le jeu, apparemment si simple, de l’organe (la main…), du geste (enfoncer…) et de la matière (le plâtre…) accède-t-il à la complexité d’une technique et d’une pensée de la  procédure  ? – En quoi cette technique, qui d’abord suppose le contact, transforme-t-elle les conditions fondamentales de la ressemblance et de la représentation ? – À quel genre d’érotisme ce travail du contact donne-t-il lieu ? – Quelle sorte de mémoire et de présent, quelle sorte d’anachronisme l’empreinte propose-t-elle à l’histoire de l’art aujourd’hui ?
À ces questions le présent essai tente de répondre en retraçant une histoire synoptique de l’empreinte, mais aussi en modifiant nos façons habituelles de regarder l’image dans sa singularité : depuis le modèle optique, voire métaphysique, de l’imitation obtenue vers celui, tactile et technique, de son travail en acte. Cela pour modifier nos façons habituelles de comprendre chaque œuvre d’art – celle de Marcel Duchamp prise ici comme cas exemplaire – dans son historicité : depuis le modèle déductif qui peut nous faire imaginer un mouvement de  progrès  du modernisme au postmodernisme, vers un modèle plus complexe qui tient compte des intrications de temporalités hétérogènes dont toute image est faite.

Table des matières

Ouverture sur un point de vue anachronique
L’empreinte immémoriale, actuelle, inactuelle : nécessité d’un point de vue anachronique. — L’œuvre d’art à l’époque de la perte d’origine ? Anti-modernistes et post-modernistes. — Regard posé sur une empreinte de Marcel Duchamp. Pour prendre un peu l’histoire de l’art à rebrousse-poil.

I L’empreinte comme paradigme : une archéologie de la ressemblance

Formes techniques : l’empreinte comme geste
. Support, geste, marque : l’empreinte comme stéréotype technique. — Un geste rudimentaire ? Valeur heuristique de l’empreinte : le bricolage et la marge d’indétermination. — La notion de chaîne opératoire. Technique et hominisation : une anthropologie du contact. L’empreinte, fait technique total. — L’empreinte, ou l’ aube des images  : des collections moustériennes aux mains négatives. — Dialectique du contact et de l’absence : la dimension symbolique de l’empreinte préhistorique. Réalisme et schématisme.

Formes généalogiques : l’empreinte comme matrice. L’empreinte, ou l’institution des images : comment transmettre la ressemblance par contact ? L’analogie sexuelle, la matrice : forme et contre-forme. — Palestine, Syrie : le crâne du mort comme matrice de ressemblance. Varna, Mycènes : or appliqué et or repoussé. — Pline l’Ancien : l’institution des images n’est pas l’histoire de l’art. Le trait d’origine comme travail du négatif : la matière et la mort. — L’imago romaine comme ritualité de l’empreinte, culte généalogique, instance non esthétique. Reproductibilité et légitimité.

Formes auratiques : l’empreinte comme pouvoir. L’empreinte, ou le pouvoir des images : le  portrait de César . L’unique et le disséminé. Monnaie, sceau, magie. Empreinte-emprise et empreinte-écart. — Le  portrait de Dieu  : comment se présente une sainte Face ? Moins qu’une image, matrice de l’image, plus qu’une image. Entre trace et grâce. — Le pouvoir de la distance : l’auratisation de la trace dans les récits, la liturgie, l’iconographie. — Le  pouvoir de lever les yeux  : comment une empreinte peut-elle nous  regarder  ? Ressemblance interdite et ressemblance à venir : Dante et saint Bernard. — Le pouvoir de la réversibilité : l’empreinte comme contact des contraires.

Formes anachroniques : l’empreinte comme survivance. L’empreinte, ou le non-dit de l’art humaniste : une phobie du toucher. Où l’artisan  imprimait  une matière (savoir-faire), l’artiste  exprimera  une idée (savoir). — L’empreinte, ou la contre-histoire de l’art : par-delà la légende vasarienne. Mesure et empreinte dans la sculpture du Quattrocento : réalisme et tactilité. Empreintes votives et empreintes funéraires. — Objets-limites de la sculpture. Heuristique de l’empreinte chez Donatello : le cas de la Judith. — Quand l’empreinte désoriente la vision (par le contact), l’histoire (par l’anachronisme) et le discours (par la transversalité).

II L’empreinte comme processus : vers la modernité en sculpture

Formes mortifiées : l’empreinte comme deuil
. Où l’empreinte tire la ressemblance vers la mort. Adhérence excessive et défaut de l’origine. Où l’empreinte tire la ressemblance vers la mort de l’art. — L’empreinte, obstacle à l’art et obstacle à l’histoire : forme sans style et temporalité anachronique. Origine, fin, modernité. — Moulage et sculpture au XIXe siècle : le débat réaliste et David d’Angers. Trop près du néant : l’empreinte  atroce  et  froide .

Formes désirées : l’empreinte comme scandale. Érotique du contact : empreinte et caresse.  Pourquoi la sculpture est ennuyeuse  selon Baudelaire. Pour une sculpture  primitive  et  moderne , fétichique et irréligieuse. — Les Fleurs du mal comme écriture du contact : peau, plis, empreintes. La notion baudelairienne de réversibilité. — Le scandale de la Femme piquée par un serpent, d’Auguste Clésinger. Trop près du désir : l’empreinte  indécente  et  magique .

Formes bricolées : l’empreinte comme propédeutique. Trop près du bricolage : l’empreinte  triviale  et  nécessaire . Ce par quoi finit la sculpture, ce par quoi elle commence aussi. Moulages d’antiques, moulages de travail, moulages sur nature. — Ce par quoi procède la sculpture : du procédé au processus et à la procédure. Heuristique et  procession  des formes. — Les contradictions de Canova : refus du plâtre et heuristique de la gypsothèque. Vers l’auto-engendrement des formes par combinatoire et empreinte.

Formes processuelles : l’empreinte comme travail. Rodin : le refus de l’empreinte comme procédé, l’assomption de l’empreinte comme paradigme. La technique des  abattis , ou l’œuvre disséminée in progress. — Multiplication, fragmentation, assemblage : l’empreinte comme processus et procédure. Le corps-organe et la forme en formation. — L’empreinte comme image dialectique chez Rodin. De la chose-substitut au mouvement substituant : la forme organique  en travail . La sculpture moderne rattrapée par l’empreinte.

III L’empreinte comme procédure : sur l’anachronisme duchampien

Formes critiques : l’empreinte comme refus
. À propos du readymade : la polarisation critique autour du  n’importe quoi . Quelques façons de ne pas regarder les objets. — Duchamp et l’institution artistique. Stratégie du retrait et valeur non marchande de l’art. — Heuristique, erratique, méthodique : l’ouverture expérimentale n’est pas  n’importe quoi . La  perte du métier  à l’ère de la reproductibilité technique ? — L’œuvre de Duchamp sous le paradigme photographique : vers la question du contact. — Le point de vue de l’empreinte, ou le refus de désintriquer le faire du savoir. Duchamp avec Donatello.

Formes hypothétiques : l’0000empreinte comme exigence. Le paradigme de l’empreinte : à propos du Grand Verre. Réversibilité et contact des contraires. Anthropomorphisme et dissemblance. — La critique du rétinien : matière grise en haut, matière rose en bas. L'optique et le tactile. Apparence et apparition : le moule  négatif  et  natif . — Optique de précision, prière de toucher et idée de la fabrication. Le vide anthropomorphe des Moules mâlics. Le défi de l’empreinte-mouvement. — Où Duchamp revendique le faire et l’artisanat : un anachronisme critique et heuristique. — Duchamp  ouvrier d’art  : ouvrir, et non abandonner, le champ technique du  métier .

Formes heuristiques : l’empreinte comme expérience. Duchamp au travail, ou l’heuristique à double détente : hypothèses jetées sans contrainte, mais réalisées dans l’astreinte d’une  technique d’extrême précision . — Le  retour à la main . Accident de la reproduction et reproduction de l’accident. — Contact, matériau, expérience : le champ opératoire de l’empreinte. — L’empreinte dédouble :  semblablité  et  principe de charnière . Quand la machine de cruauté moule et  rémoule  les corps. — L’empreinte redouble :  prendre  et  déchirer  la ressemblance. Halos, ombres, contours, gainages. Moulages par interpositions et moulages directs. — L’empreinte renverse : apparition et négativité. Feuille de vigne femelle, ou la réversibilité des ressemblances. Précision, tactilité, érotisme : l'empreinte comme système complet.

Formes dialectiques : l'empreinte comme différence. Le point de vue du même. Duchamp reproducteur : série et singularité. Dialectique du semblable et de la différence. — Le point de vue de l’écart : produire le même comme négativité et différence. Les opérations  tierces  sont des opérations ouvertes. — Le point de vue de l’inframince et la question de la ressemblance : l’intervalle entre deux objets issus du même moule (enfants ou readymades) forme une  différence séparative inframince . — Le point de vue de l’inframince et la question du contact : la frange tactile du visible. Poussière en forme et moulages de l’air. Galvanisation, pelliculage, interstices, bords. Aura et malaise dans la représentation. — Le point de vue du hasard. L’erratum et le  stoppage  : occasion et précision, tuchè et technè. Regard, retard, écart, ou l’anachronisme duchampien.

Ouverture sur un point de vue ichnologique

Les paradoxes de l'empreinte (contact et écart) dénotent sa fonction critique. L'empreinte comme  malaise dans la représentation . — L'empreinte comme  malaise dans l'histoire  : modernité, anachronisme, archéologie. — L'empreinte comme outil critique. Sur deux écueils de méthode. — De l’iconologie à l’ichnologie : l’image comme vestige et comme œuvre du temps.

Note bibliographique - Table des figures - Index bibliographique

 

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