Romans


François Bon

Le Crime de Buzon


1986
224 pages
ISBN : 9782707310941
10.50 €


Deux hommes, Serge Buzon et Michel Raulx, sortent de prison. Ils passent chez la mère du premier, qui tient un élevage de chiens dans un hameau au bord de l'Atlantique. Un vieux cousin, leur voisin Brocq, chiffonnier épris d'archéologie, est le parrain de Buzon. Le récit passe de l'un à l'autre, charriant les souvenirs de chacun, les figures des anciens codétenus de Buzon et Raulx comme aussi, par exemple, celle du mystérieux docteur que Brocq a connu lors de sa propre captivité en Allemagne pendant la guerre et qui lui a légué un précieux exemplaire de Don Quichotte.
D'une longue quête violente et sans concessions se dégagent peu à peu les contours du crime de Buzon, qui l'a conduit naguère en prison - et qui l'y ramènera.

Bertrand Poirot-Delpech (Le Monde, 19 septembre 1986)

Chiendent
 
 (…) Exprès, j'ai cherché, dans la pile, le livre le moins attendu, le plus impérieux, qui fit le moins d'œillade – voyez mon brin de plume ! – et qui chassât sur des terres invisitées. Voici l'objet rare. Il s'appelle Le Crime de Buzon. Du jamais entendu, pas de cette façon.
À trente-trois ans, François Bon n'est pas tout à fait un inconnu. Sortie d'usine (1982) a étonné par son intrépidité. Le monde étranger au bataillon littéraire français, le travail posté, Bon nous y plongeait physiquement, grammaticalement, sans l'audace tapageuse ni le misérabilisme apitoyé par lesquels pèchent les exceptions à la règle de notre production bourgeoise et de plus en plus fière de l'être.
Le Crime de Buzon nous ouvre à une autre réalité hexagonale tranquillement ignorée des beaux esprits : la graine de petits taulards telle qu'elle se développe aux marges d'un paysannat traditionnel ruiné, coupé de ses racines, de ses petites fiertés anciennes. (…) 

Angelo Rinaldi (L'Express, 1986)

 À leur sortie de prison, Buzon conduit Raulx chez sa mère, qui possède un chenil à la campagne. Leur vie, leurs secrets, leurs aspirations dérisoires et leur expérience carcérale se recomposent dans l'alternance de brefs monologues intérieurs, s'entrecroisant avec ceux de comparses qui ont autant de relief qu'eux-mêmes. À l'exception d'un braconnier à la Raboliot, éleveur de cochons et qui a trop de lectures pour son état. Cet ancien prisonnier de guerre se souvient même d'avoir rencontré le Dr Destouches et son chat sous les bombardements à Berlin. C'est le genre de détails que l'on invente pour se faire plaisir – et qui n'a jamais eu envie de rencontrer Céline et Bébert, dont la descendance prospère entre les tombes du cimetière Saint-Vincent ? (...) Le triomphe de M. Bon est dans un réalisme traité sans complaisance, une émotion contenue et une attention de toutes les secondes à ces douleurs pour lesquelles les déshérités n'ont pas de vocabulaire. M. Bon a de l'oreille et l'irremplaçable don de se mettre à la place des autres. Ses qualités, qui s'affirment, lui assurent un rempart contre un succès de vente susceptible de l'étourdir. L'aveuglement des jurys et la frivolité universelle nous délivrent, en outre, d'un supplément d'inquiétude à son sujet. 

Louis Soler (L'Ane, 1986)

 Rarement on avait parlé avec autant de justesse, de sobriété, des prisons matérielles et des prisons intérieures. Les taulards ont cru que François Bon était un vieil habitué des Centrales. Il n'en est rien. Mais l'écrivain véritable, s'il sait se documenter à bonne source sait aussi reconstruire l'univers mental saisi dans le regard d'un individu assis dans le train entre deux gendarmes. Faux monologues intérieurs, une fois de plus : car le langage parlé des pauvres gens de la Vendée ou de Fleury-Mérogis est reconstruit dans son éclatement leur restituant une parole qu'ils n'auront jamais ou presque dans la réalité.
Mais cette fois, la solution finale de l'anti-héros est pire que la mort, la résignation, ou la folie qui le cernaient : le vrai " crime ” de Buzon sera de franchir la “ limite ”, de passer du côté de ceux qui gèrent l'enfermement : il sera gardien de prison à Poissy, signifiant à coup sûr soigneusement choisi par le romancier.
Lisez ce triptyque violent, retenu et écorché, avec ses phrases suspendues qui semblent dire “ à quoi bon dire ? ”, ses ellipses et syncopes déconcertantes, ses montages d'expert-ajusteur, ses collages littéraires, en duplex, en triplex, ses finesses de ponctuation, ses inversions inattendues, ses noyaux durs, ses zones tendres bien cachées, et ses mots de prédilection lâchés dans la grisaille comme de petits cailloux noirs : le mot dépoté, par exemple, qui évoque à la fois dépotoir et déporté

 




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