Romans


Juan Benet

Baalbec, une tache

Traduit de l'espagnol par Claude Murcia


1991
320 pages
ISBN : 9782707313775
22.90 €


* Titre original : Baalbec, una mancha (1958).

Juan Benet est surtout connu par sa production romanesque : Tu reviendras à Région (1967) marque une date dans l'évolution du roman espagnol. Mais c'est par un recueil de nouvelles qu'il commence à publier, à ses frais, en 1961. L'édition - dit-il – lui coûta peu d'argent et beaucoup d'efforts. Ce recueil – dont l'écriture et les thèmes sont très novateurs – passe plutôt inaperçu, mais Benet poursuit son activité de conteur. En 1972, paraît Cinco narraciones y dos fabulas (Cinq narrations et deux fables) ; en 1977, deux recueils sont publiés rassemblant l'ensemble de ses nouvelles.
Baalbec, une tache reprend les récits contenus dans le premier recueil – exception faite d'Une tombe, auxquels viennent s'ajouter trois récits du second recueil (Après, Catalyse, Syllabus).
La plupart de ces courts récits se déroulent à Région, lieu mythique de presque tous ses ouvrages de fiction et mettent en scène certains personnages de ses romans. Si les structures sont différentes, l'univers exploré demeure le même : réalité fuyante, surgissement de l'insolite dans la routine quotidienne, incertitude, mystère et ambiguïté.

Pierre Lepape (Le Monde,1991)

 La référence à Faulkner est constante chez Benet – et avec elle, la volonté de faire échapper le roman espagnol à l'auto-enfermement national, à une esthétique de la plaie hispanique sombrement et obstinément grattée. S'y ajoute dans les premières nouvelles aujourd'hui traduites sous le titre Baalbec, une tache, une référence non moins appuyée à Proust, à une recherche anxieuse du temps perdu. Mais là où Benet diverge d'avec Proust c'est qu'au lieu de reconstruire un espace uni, cohérent, le travail d'écriture et de narration ne débouche que sur des ruines.
Il n'y a guère, dans les nouvelles de Benet comme dans son dernier roman, Dans la pénombre, que des existences misérables et étriquées, des intrigues sordides, des passions rances ou honteuses, des malheurs flétris et rouillés. Théâtre grandiloquent et pitoyable où s'agitent des alcooliques, des demi-fous, des demeurés, des vierges exaltées.
Benet cultive le sibyllin, les jeux de dédoublement et de reflet, l'ambiguïté, les transferts de sens par contamination, I'allusif, l'imprécis, le velléitaire, le dérisoire. Il développe une esthétique de l'indécis, du brumeux, du faux-fuyant. Ses textes sont comme des puzzles dont, pour corser la difficulté, les pièces seraient de forme mouvante. Pourtant, ni Baalbec, une tache ni Dans la pénombre ne sont des livres difficiles. Il faut simplement accepter d'attendre toujours quelques pages de plus pour comprendre. Moyennant cette ascèse, on voit peu à peu se dresser devant soi, par l'énigme d'une écriture protéiforme qui de va de l'élégie au lyrisme le plus crépusculaire, I'une des constructions les plus achevées et systématiquement démolie comme il se doit du nihilisme contemporain. 

 




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