« Double »


Vincent Almendros

Un été


2018
96 pages
ISBN : 9782707344250
6.90 €
* Première publication aux Editions de Minuit en 2015


Jean, mon frère, venait d’acheter un voilier et m’invitait à passer quelques jours en mer. Je n’étais pas certain que ce soit une bonne idée que nous partions en vacances ensemble.
Quand je dis « nous », je ne pensais pas à Jean.
Je pensais à Jeanne.
À Jeanne et moi.

ISBN
PDF : 9782707344274
ePub : 9782707344267

Prix : 6.49 €

En savoir plus

Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, 8 janvier 2015

Petit livre, grande sensation. Ou, si vous préférez, «Un été» pour l’hiver. Parmi les 353 romans français de cette nouvelle rentrée littéraire, il ne faut pas manquer, en effet, le deuxième de Vincent Almendros. Cet auteur de 36 ans réussit la prouesse, en eaux troubles et en 96 pages, de tenir à la fois une histoire d’amour, un thriller marin, un récit de la fraternité et un huis clos à ciel ouvert. Les trois sont ambigus et le mystère ne se lève, cruel et ricanant, qu’à la toute dernière page. Pierre, le narrateur, embarque à Naples sur le voilier de son frère, Jean. Le premier est venu avec la blonde Lone, sa petite amie suédoise qui termine une thèse sur la parité homme-femme. Le second vit depuis sept ans avec Jeanne la brune, dont Pierre fut l’amant. Le bateau glisse lentement vers Capri. Il fait une chaleur caniculaire. L’air est irrespirable. Les corps exsudent. Le jour, la mer est d’huile et, la nuit, « goudronnée ». Les méduses prolifèrent, qui remontent le temps et le courant avec leurs « ombelles opalines ». Pierre et Jeanne s’observent, se frôlent, se rapprochent et se retrouvent dans la cabine. Rien n’est appuyé. Tout est suggéré. Etonnant peintre d’atmosphère, Vincent Almendros écrit à l’aquarelle. Sa phrase faussement simple coule comme une eau salée au pied d’un rocher. C’est de la littérature. Et de la meilleure. On s’empresse de vous en conseiller la lecture, car ce bref roman ne provoquera aucun débat de société, aucune polémique, aucune révolution. Y a-t-il encore la place, l’hiver, pour « Un été » ?

Marine Landrot, Télérama, 15 janvier 2015

Sur un voilier en pleine mer, dans une lumière suspendue, Jean et Jeanne s'aiment. Le calme avant la tempête. Un récit hypnotique.

Jeanne et Jean sont sur un bateau. Ils s'aiment et la traversée durera tout un passé. Disons (c'est avec cet impératif que s'ouvre le livre) qu'il y a du tangage dans l'air, et que les lames de fond venues de très loin s'apprêtent à surgir à la surface. Le roman se situe avant la tempête, dans une luminosité suspendue, où mêmes les éléments semblent retenir leur souffle. Sur le voilier, il y a aussi Je, le narrateur, et Lone, un bout de solitude étrangère, qui dort les jambes repliées en L, comme son initiale, quintessence de la féminité. L'exiguïté de l'unité de lieu, nautique et inconfortable, décuple les sens et le besoin d'évasion. Comme dans Les Affinités électives, de Goethe, les couples se font et se défont, les combinaisons sont multiples, traçant des lignes parallèles et des diagonales entre les êtres.
En 2011, Vincent Almendros imposait son écriture opalescente dans son premier roman, Ma chère Lise, sur la mélancolie éthérée des amours adolescentes, où déjà chantait le clapotis de la mer. Il poursuit ici sa quête de transparence, sonde les matières et les objets (chapeaux, casquettes, gilets de sauvetage sont presque des créatures vivan¬tes, immobiles), scrute l'étrangeté de la faune (oursins, étoiles de mer, plancton provoquent une stupeur proche du malaise) et parvient à créer un climat tranquillement hypnotique. D'où vient que cet auteur, né en 1978, nourrisse ses romans d'une esthétique très années 1960, puissante et dépouillée ? Dansent sous nos yeux les images de Plein Soleil, de René Clément, et de L'Eclipse, de Michelangelo Antonioni, à la lecture de ce roman aussi limpide que crépusculaire.

Norbert Czarny, La Quinzaine littéraire, 1er février 2015

Le roman d’une casquette

Ils sont quatre, sur un petit voilier, entre Naples et Capri. C’est l’été. Un été chaud, humide, souvent ponctué d’orages. Le narrateur s’est trompé de port, arrivant avec Lone, sa compagne, près du château de Naples, mais pas celui où est amarré le voilier de Jean, son frère. Ils se retrouvent, Jeanne arrive, et l’on sent qu’alors tout va se dérégler.
Jeanne a été l’amante du narrateur. Depuis sept ans, elle vit avec Jean. Lone n’en sait rien : elle l’apprendra au cours du voyage. Tout cet été sera fait de tensions, de moments de crises larvées, d’instants unissant ou séparant les êtres.
Et d’abord, tout le dit dans l’écriture de Vincent Almendros, dont c’est ici le deuxième roman après Ma chère Lise. L’auteur écrit sec, en paragraphes qui sont autant de secousses, parfois brèves, en ellipses et en allusions, comme dans cette évocation nocturne : « La mer, écrasée, sommeillait, profonde et paisible, lisse et vernissée. Tout dormait. Tous dormaient. »
Lui ne dormait pas, on l’aura compris. La première nuit dans la chaleur intense est une insomnie et l’heure de retrouvailles face au ciel étoilé avec Jeanne. Elle est belle, elle a à peine vieilli, contrairement à Jean dont « l’œil torve » et « l’usure du visage » traduisent à la fois une réalité visible, objective, et la relation qui le lie au narrateur. Celui-ci semble remis de cet amour perdu, pour lequel il concède une « sorte d’affection » que tout par ailleurs dément. Cette traversée entre le continent et l’île si proche, si belle et tentante, est jalonnée de signes : on les interprète comme autant d’étapes vers un dénouement qui pourrait être tragique. Un été a des airs de thriller, un peu comme Monsieur Ripley de Patricia Highsmith, qu’il rappelle par l’affrontement en mer. La chute, après une ellipse de quelques mois, ramène les personnages dans la région parisienne, et a quelque chose de vaudevillesque.
Mais n’y avait-il pas d’emblée quelque chose de bizarre, voire de grotesque, dans l’épisode de la casquette oubliée par le narrateur ? Il n’avait pas de couvre-chef et prenait le risque de coups de soleil, que Lone évite. La casquette joue un rôle déterminant, revenant çà et là à travers les pages comme un mistigri, un révélateur. Laissons aux lecteurs le soin d’en apprendre davantage.
Un été se lit d’une traite mais ne laisse pas son lecteur en paix. On sent bien qu’une bonite, des méduses ou du plancton, la chaleur intense d’un été, le grain d’une peau, des yeux aveuglés par le soleil, tout ça n’est pas là pour rien. Le malaise persiste, une sorte de mal de mer. C’est en même temps bien agréable d’être ainsi mené en bateau.

 




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