Romans


Eugène Savitzkaya

La Traversée de l’Afrique


1979
144 pages
ISBN : 9782707302809
14.00 €
15 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


Les protagonistes de La Traversée de l’Afrique, les peintres, les mécaniciens, les oisifs, sont, pour la plupart, des jeunes gens comme il s’en trouve beaucoup : libres, heureux mais tristes, contraints par une sorte de fatalité. Ils sont inventifs, mais ne veulent pas construire. Ils travaillent, mais en pure perte, comme on joue au meccano. Ils entreprennent, mais accumulant les échecs. Ils aiment leur mère, mais ne la reconnaissent plus parmi les femmes. Ils ont perdus leur virginité. Ils veulent tout, mais leurs vies n’aboutiront qu’à la faillite et ils disparaîtront avec leurs outils et leurs machines.

ISBN
PDF : 9782707331274
ePub : 9782707331267

Prix : 9.99 €

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André Laude (Le Monde, 28 décembre 1979)

Une saison en Afrique
La voix d’Eugène Savitskaya
 
« C'est une bien précieuse voix que celle d'Eugène Savitzkaya. Ce jeune homme, né à Liège en 1955, pourrait bien devenir, dans quelques années, un de nos écrivains majeurs. (...) L'année dernière, il y eut Un jeune homme trop gros, tout à la fois “ machine à mots ” et songerie dérivante autour d'Elvis Presley.
Aujourd'hui, voici La Traversée de l’Afrique. Une fois de plus, la magie de l'auteur joue dès les premières lignes : “ De nombreux livres nous y avaient préparés. Nous nous étions entraînés dans les bois et les champs, en secret, à la nuit tombée, et avions fait abstinence, nous privant même des oiseaux, dont nous raffolions. Nous étions prêts et pourtant nous fumes vaincus. Et vaincus, nous disparûmes. ”
Qui donc se cache derrière ce “ nous ” ? Une poignée de jeunes gens qui se nomment, plus ou moins étrangement. Basile, Firmin Patrice, Debora... “ Oisifs et sereins ” ils déambulent le long des haies, transportent de l'herbe encore humide ou des métaux, rassemblent des matériaux, récoltent le pavot, astiquent le véhicule, tremblent et geignent, résistent au vent, et, surtout, se préparent au voyage.
Le but de ce voyage, c'est la traversée de l'Afrique, un mot qui, aussitôt murmuré, libère des savanes, des puits d'eau, des lions. Ah ! les lions ! Ils sont là, à chaque coin de page, superbes, au repos ou à l'amour, obsessionnels. Lions dessinés par tel ou tel protagoniste sur une feuille de cahier d'écolier et qui, brusquement, s'échappent, devenus réellement vivants. On ne peut pas s'empêcher de songer à Rimbaud, à une autre fascination, celle du désert, du Harrar : “ Nous allions voir les lions, leur camp dans la forêt, leurs combats avant l'aube. Et ces lions pouvaient chanter. Et ces lions nous connaissaient, nous reluquaient à travers le feuillage des arbres sous lesquels ils pouvaient se reposer en paix. Certains d'entre eux souriaient D'autres gardaient la face blanche. Aucun ne pleurait Au début, chaque jour, un peu avant l'aube, les lions très nombreux dormaient ou mouraient dans les buissons épais de la forêt, parmi les autres habitants paresseux, à proximité de notre prairie en pente sur laquelle nous lancions nos luges, nos caisses en bois, nous qui ne dormions jamais, nous que la lumière crépusculaire tourmentait, nous qui n'aimions que le feu, nous qui allions disparaître. ”
Tout au long de son bref “ roman ”, Eugène Savitzkaya mêle, dans un même souffle, le rêve et la réalité. Une réalité chaude, naturelle, odorante, arrachée, sans doute aux années d'enfance de l'auteur. Un rêve bariolé, libérateur. Ces jeunes gens qu'il fait vivre sous nos yeux avec une puissance d'évocation remarquable, ces jeunes gens qui construisent des machines compliquées, sœurs de celles que réalise Tinguely, qui pleurent, écrivent à leur mère devenue énigme des lettres troublantes, sont des “ perdants ”, voués à la pure faillite. La plupart disparaîtront dans la “ fange ”. Seul le narrateur, après avoir marché dans la boue, parviendra aux “ eaux claires, profondes ”, au milieu des “ grandes populations d'animaux aquatiques ”.
Ce voyage immobile, qui n'a de sens que tant qu'il est rêve, cette Traversée de l'Afrique, ne sont, me semble-t-il, rien d'autre qu'une fable sur la perte de l'innocence, sur l'exil à l'est d'Eden. Tous nos beaux outils, nos belles machines meurent avec nous, murmure Eugène Savitzkaya, qui sait encore que toute entreprise est, derrière l'apparente réussite, un échec. Et ces “ eaux profondes ” auxquelles parvient le narrateur pourraient bien être celles de la poésie, de l'écriture, unique planche de salut. »

 




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