Le sens commun


Mayotte Bollack

La Raison de Lucrèce

Constitution d’une poétique philosophique
Avec un essai d’interprétation de la critique lucrétienne


1978
Collection Le sens commun , 652 pages
ISBN : 9782707302120
20.95 €


Ce livre, qui se veut une introduction à la lecture de Lucrèce, pose les principes de l'interprétation des textes à propos du poème  sur la nature des choses , et les applique à la cosmologie et à la météorologie du livre VI.
L"auteur traite dans une première partie les thèmes de la critique universitaire, moins pour faire une histoire de la philologie que pour interpréter les partis scolaires et les façons de faire habituelles. Le texte d’un auteur classique se présente à nous à travers les verres déformants d’une lecture millénaire, il est retravaillé et corrigé suivant des préjugés esthétiques inconscients, repensé de manière à s’accorder à des intérêts politiques et à des thèses. Ce travail, objet d’une technique et d’une profession, lié également à des positions sociales, obéit à des lois propres que l’on décrit ici, dans la diachronie de l’histoire d’une science et la synchronie d’un champ culturel. Telle correction ancienne, retenue dans les éditions modernes, telle exclusion indéfiniment rediscutée jusqu’à nos jours, bien qu’elles soient déterminées dans un contexte historique particulier, altèrent le texte et imprègnent notre lecture. C’est le rapport entre elles, et, en dehors de Lucrèce, des différentes positions de la critique que l’on analyse ici avec leurs contradictions.
Dans une seconde partie, préparée par la discussion des lectures faites dans le passé, les éléments caractéristiques de la manière épique - la répétition, la variation, l’épisode – et lucrétienne – l’enrichissement par la position, la subversion des formules et des mots de liaison – sont étudiés dans leur relation avec le projet d’une poésie philosophique. Non seulement tous ces éléments avaient été méconnus ou leur valeur émoussée dans une histoire des formes de la rhétorique, mais leur fonction d’outils de la réflexion ou de la découverte par l’écriture, leur force dans le combat par la parole d’Epicure contre les langages étaient largement ignorées.
La dernière partie étudie, dans la constitution du texte de la météorologie et dans l’arrangement de sa matière, la position de Lucrèce dans l’histoire de la science grecque. Les vers du livre VI sont commentés dans le détail, avec l’aide des principes exposés dans les deux premières parties. Ce commentaire est sans doute le plus abondant qui ait jamais été consacré à cette partie négligée de l’œuvre qui comprend l’étude des phénomènes de la terre et du ciel.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Avant-propos – Introduction

Première partie : Lucrèce au service de la philologie
I. Le texte à l’analyse : A. Problèmes – B. La théorie des doublets (Lachmann) – C. L’esprit de l’interpolation – D. Historisme et formalisme
II. Le jeu des opinions contraires : A. La perfection et l’imperfection – B. L’épicurien romain – C. Le poète philosophe – D. Angoisse ou littérature

Deuxième partie : Pour une philologie lucretienne
I. La fondation du poème : A. Le langage de la traduction – B. Les transferts du langage – C. Projet et public – D. Le sens de la répétition
II. La raison du discours
III. Le métier

Troisième partie : L’exemple du livre VI
I. L’allure doxographique : A. Dans le ciel – B. Sur la terre
II. Le miroir du poème : A. Division de la matière – B. Génération du sens
III. Synopsis de la météorologie grecque
IV. Conclusion : retour à Lucrèce

Tables – Bibliographie

Christian Delacampagne (Le Monde, 24 mars 1978).

Restaurer Lucrèce
Une rude leçon de lecture.
Après un Lucrèce singulièrement dépourvu de références - celui de Michel Serres (Éditions de Minuit) – en voici un qui n'est, au contraire, que références : celui de Mayotte Bollack. À la limite, on pourrait croire qu"il ne s’agit pas du même Lucrèce ; en tout cas, il n’est plus question, ici, de fleuves et de turbulences, mais avant tout de problèmes philologiques. L’appareil critique semble dévorer le texte. Pourquoi ? Parce que, dans l’optique de chercheurs comme Jean ou Mayotte Bollack, Heinz Wissmann, André Laks et leurs collègues de l’université de Lille III, qui travaillent depuis plusieurs années sur l’épicurisme antique, le texte de Lucrèce est actuellement illisible ; non seulement en raison de ses difficultés internes, mais surtout à cause des manipulations dont il a fait l’objet au cours des temps.
Il y a d’abord eu les fautes des copistes médiévaux ; puis les erreurs des commentateurs de la Renaissance, et enfin les corrections, rarement bien inspirées, des philologues du dix-neuvième et du vingtième siècle. Chaque fois qu’un érudit ne comprenait pas le sens d’un vers, il en modifiait le texte ; et, pour se justifier, les glossateurs forgeaient toutes sortes de légendes sur le poète latin : tantôt on disait que Lucrèce était fou, tantôt que son œuvre était inachevée, ou qu’elle avait été remaniée par d’autres. Certains ont prétendu que Lucrèce n’avait rien compris à Epicure ; ou, à l’évidence, qu’il s’était borné à mettre en vers l’enseignement de ce dernier : on peut s’amuser, comme Mayotte Bollack le fait, à opposer toutes ces opinions contradictoires, aussi peu fondées les unes que les autres. Une impression d’ensemble en ressort : la tradition s’est efforcée de minimiser Lucrèce, d’en faire un littérateur sans originalité philosophique. Elle a refusé d’admettre qu’il fût à la fois philosophe et poète. Et des plus grands.
D’où la nécessité de rétablir le texte partout où il a été mutilé. Mayotte Bollack s’est attaquée à ce travail d’Hercule et nous donne, ici, une rude leçon de lecture. Car, pour restaurer le véritable Lucrèce, il est indispensable de parcourir, en sens inverse et dans sa totalité, l’histoire des contresens qui ont été commis sur lui. Au bout du compte, nous retrouvons, tout comme chez Michel Serres, une figure bien différente de celle qui hantait nos manuels ; mais, tandis que le Lucrèce de Serres était  décapé  à l’aide de la physique contemporaine, celui de Mayotte Bollack l’est à l’aide de la doxographie classique. Les deux approches ne s’excluent pas, bien au contraire, elles sont complémentaires.  Dans l’optique de chercheurs comme Jean ou Mayotte Bollack, et Heinz Wismann qui travaillent depuis plusieurs années sur l’épicurisme antique, le texte de Lucrèce est actuellement illisible : non seulement en raison de ses difficultés internes, mais surtout à cause des manipulations dont il a fait l’objet au cours des temps. D’où la nécessité de rétablir le texte partout où il a été mutilé. 

 

Voir aussi

Traductions de Jean et Mayotte Bollack
* Sophocle, Œdipe roi (1985).
* Euripide, Iphigénie à Aulis (1990).
* Euripide, Andromaque (1994).
* Euripide, Hélène (1997).
* Sophocle, Antigone (1999).
* Euripide, Les Bacchantes (2005).
* Sophocle, Électre (2007)
* Eschyle, Les Choéphores et Les Euménides (2009)




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