Propositions


Oswald Ducrot

Logique, structure, énonciation


1989
Collection Propositions , 192 pages
ISBN : 9782707313102
16.55 €


Le linguiste, quand il étudie une langue, prétend d’abord observer des faits, et ensuite les relier par des lois, ou les expliquer par une théorie. Mais ces “ faits ” (qu’il se “ donne ” au départ, et qu’il prend pour évidents parce qu’ils appartiennent à la perception habituelle du langage) sont le produit des théories à travers lesquelles il les voit. Quelques-uns sont le produit de sa propre théorie – et l’on parle de cercle vicieux, d’artefact, ou, d’une façon plus sérieuse, et moins péjorative, de “ coût théorique ”. La plupart sont le produit de théories anciennes, parfois de théories contre lesquelles l’auteur lui-même se bat. D’où la nécessité de savoir comment la linguistique d’hier a construit les faits dont débat la linguistique d’aujourd’hui. C’est ce que tente de faire cet ouvrage, qui traite de recherches très diverses, aussi bien celles de logiciens médiévaux que de modernes théoriciens de l’énonciation.

‑‑‑‑‑ Table des matières ‑‑‑‑‑

Avant-propos : Faits d’aujourd’hui et théories d’autrefois.

I. Langage et logique : Chapitre 1. La théorie médiévale de la supposition – Chapitre 2. Linguistique et formalisation.

II. Langage et structure : Chapitre 3. Humboldt et l’arbitraire linguistique – Chapitre 4. La philosophie du langage d’Anton Marty – Chapitre 5. La communication en phonologie et en glossématique.

III. L’énonciation : Chapitre 6. Benveniste et Prieto : structuralisme, énonciation, communication – Chapitre 7. L’énonciation selon Charles Bally.

(Préfaces, décembre-janvier 1990)

 Nous sommes habitués à suivre Oswald Ducrot dans sa démarche, qui vise à construire une théorie de l’énonciation où les concepts de présupposition, d’argumentation linguistique et de polyphonie sont subtilement articulés. Mais, fondatrices de la démarche et parallèles à une œuvre dont la théorie de la polyphonie constitue provisoirement peut-être le centre organisateur, ses recherches sur le passé de la science linguistique se trouvaient dans des revues depuis longtemps épuisées. Le grand mérite de ce recueil, qui réunit des articles publiés entre 1966 et 1986, est de montrer comment on constitue un objet d’observation, suivant en cela ce que Duhem dit : “ les faits d’aujourd’hui sont construits avec les théories d’hier ” et qu’O. Ducrot reprend à son compte. Ces textes offrent une analyse et un point de vue. Puisque “ l’important en linguistique, ce ne sont ni les faits ni les théories, c’est leur rapport ” et le fait que les théories permettent de modifier “ la façon de vivre et de percevoir le langage ”, O. Ducrot développe une problématique qui s’organise dans les trois parties de l’ouvrage. En ouverture, un long texte concernant la théorie médiévale de la supposition (il s’agit en fait du substantif et des rapports entre ce terme et son référent, à travers une étude des pensées de Pierre d’Espagne, de Guillaume d’Occam et de saint Vincent Ferrier). On y trouve une première lecture des questions concernant la formalisation et les rapports entre logique et langage, préoccupation qui se manifeste dans les analyses suivantes au sujet des théories actuelles (en 1966) de la formalisation. Il s’agit de “ savoir ce que la langue formalise, quelle est la réalité située derrière elle, au sens où une théorie mathématique intuitive se trouve derrière le système formel construit pour elle ”. D’où l’interrogation sur la pertinence de certaines notions, telle la correction grammaticale dans des systèmes formels utilisant des lois génératives à partir de descriptions extrêmement contraintes. Chomsky et les médiévaux donc, mais aussi, dans la deuxième partie,  Langage et structure , une étude sur Humboldt, dans laquelle O. Ducrot analyse le concept d’energeia, d’activité de l’esprit sur la matière phonique, ce travail qui fonde la liaison capable de “ fondre les signes les uns avec les autres ”, parce que la langue est un “ effort pour représenter la pensée et qu’elle peut varier à l’infini, exprimant l’esprit même du peuple ”.
Glossématique et phonologie sont abordées par le biais d’une discussion sur l’importance des variantes par rapport aux invariants chez Hjelmslev d’où l’importance pour ce dernier de traiter la commutation comme une procédure pour l’identification d’invariants.
Une dernière partie reprend des textes sur Prieto, Benveniste et Bally à propos de l’énonciation, et le livre se termine par un texte sur énonciation et polyphonie chez C. Bally : O. Ducrot y rappelle sa dette envers cet auteur relativement oublié. Pensée et idée, sujet parlant, sujet modal, réaction et représentation, d’une part, modus et dictum, d’autre part, sont minutieusement présentés. C’est en particulier la distinction entre énonciateur, locuteur, sujet parlant, sujet modal, qui a amené O. Ducrot à élaborer son concept de polyphonie : “ Tout en décrivant l’énonciation, l’énoncé peut non seulement y faire apparaître les points de vue de sujets modaux (dans ma terminologie, énonciateurs) différents du sujet parlant, mais il peut aussi lui attribuer un responsable (le sujet communiquant de Bally ou, pour moi, le locuteur) qui n’est pas non plus le producteur effectif des paroles. ” Ainsi la boucle se boucle : O. Ducrot a présenté sa version de certains moments de l’histoire de la linguistique et cela nous aide puissamment à la compréhension de son œuvre. 

 




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