Romans


Antoine Volodine

Lisbonne, dernière marge


1990
248 pages
ISBN : 9782707313393
17.25 €
40 exemplaires numérotés sur Vergé des papeteries de Vizille


Cette femme qui marche dans la nuit, un manuscrit sous le bras, le long d’une avenue déserte, a-t-elle ou non rendez-vous avec la mort ? Elle semble connaître la réponse, mais que sait-elle exactement ? Toute son existence est liée à un livre, une immense anthologie dont les pages tracent le portrait d’une époque fictive – le IIe siècle –, et tentent d’élucider les sombres mystères d’une société – la “ Renaissance ” – : comme le ferait une mémoire contrainte, sous la chape de plomb du totalitarisme, à se dissimuler dans l’imaginaire et le discours codé.
Or quelqu’un, à l’évidence, manipule les éléments de l’intrigue ainsi nouée : une jeune terroriste, en compagnie du policier qui a organisé sa fuite, se retrouve le temps d’un amour aux confins de l’Europe et de l’océan. C’est elle qui, par défi, invente devant nous un monde baroque et lugubre dont elle est sans doute l’émanation la plus tragique.

ISBN
PDF : 9782707328540
ePub : 9782707328533

Prix : 9.49 €

En savoir plus

Jean-Didier Wagneur (Libération, 6 septembre 1990)

La Fraction Volodine
Une terroriste de la Fraction armée rouge en fuite raconte, dans un livre crypté, son expérience de guérilla urbaine. Récit dans le récit du faussaire Antoine Volodine.
 
« (…) C'est à Lisbonne, rue de l'Arsenal, que débute l'histoire. Elle met en scène un couple : Ingrid Vogel, membre de la Fraction armée rouge et Kurt Wellenkind, un cadre du Sicherbeitsgruppe. Amoureux d'Ingrid, le policier a monté sa “ disparition ”. Sous le nom de Waltraud Stoll, elle doit quitter le monde sur un petit paquebot hollandais pour l’Extrême-Orient : “ il avait fixé à quinze ans la période pendant laquelle ils ne communiqueraient pas, en attendant que tout se tasse ”. Mais malgré la défiance de Kurt, Ingrid pour “ ne pas mourir ”, veut laisser un témoignage sur la guérilla urbaine, un livre dans lequel elle cryptera la totalité de son expérience afin que cette trace écrite ne se transforme pas en piste pour les policiers allemands du BKA qui la traquent.
Antoine Volodine va ainsi jouer avec le roman dans le roman, topique du siècle qu'il démultiplie à l'infini et qu'il complète du thème de l'écrivain imaginaire. C'est la mise en abîme revue et corrigée par un spécialiste du chiffre et, Lisbonne exige, un familier de l'hétéronymie chère à Pessoa. (…)
Si Antoine Volodine utilise à fond la science de la fiction, il apparaît surtout comme un styliste, passant d'un genre à l'autre, d'une “ Shagga ” pseudo-quéchua à la narration la plus prosaïque, ou à un monologue intérieur d'une perfection rare. C'est peut-être ici qu'il manipule le mieux son lecteur, car il sait le consoler de son errance interprétative par la beauté d'un récit qui en relance constamment la lecture. L'auteur pourrait reprendre Rimbaud : “ J'ai seul la clé de cette parade sauvage. ” »

Jean-Maurice de Montremy (La Croix, 22 septembre 1990)

Un roman d’avenir
 
« La scène se passe à Lisbonne, dans un climat tendu. Car ce couple n'est pas un banal couple de touristes. Elle l'appelle “ mon dogue ”. Il lui répond, sarcastique : “ ma toute charmante ”. Kurt travaille pour les services secrets d'Allemagne fédérale. Ingrid termine son existence de terroriste vaincue : bientôt elle embarquera, sous un nouveau nom, pour on ne sait quel horizon lointain. Ils s'aiment, ou du moins, ils se sont aimés, de l'amour malsain du chasseur et du chassé. La rupture faisait sans doute, dès l'origine, partie du contrat. Elle sert de cadre à cet étrange et fort roman d'Antoine Volodine (né en 1950).
Brefs, les adieux sans espoir d'Ingrid et de Kurt occupent en imagination plusieurs siècles. Ces quelques heures de la séparation se dilatent en cycles, en rêveries, en épopées. Ingrid n'est plus qu'un langage fou, une imaginatıon en boucle. Elle se tisse inlassablement des identités successives, des systèmes utopiques, des civilisations imaginaires, qui – tous – non moins inlassablement s'étouffent dans sa haine burlesque de la Realpolitik, dans son impuissance à briser le narcissisme des mythes dont elle vit et dont elle s’asphyxie. Ce sont tantôt d'éblouissantes variations sur la social-démocratie, la grande Europe molle des cités grises ; tantôt des fragments de “ shaggas ”, cycles d'une littérature imaginaire où bruissent les souvenirs des peuples vaincus de notre extrême nord jusqu'au sud lointain.
Le livre, construit avec rigueur selon la plus sinueuse des logiques, dresse ainsi dans notre vague à l'âme urbain les pans d'une époque fictive, qu'Ingrid nomme le Ile siècle. À suivre la rhétorique de la jeune femme, parfois somptueuse, parfois recuite d'imprécations, on entre peu à peu dans la poignante dérive des modernes illusions perdues. Lisbonne, dernière marge est comme un requiem pour les années 80. Avec grandeur, avec poésie, avec un humour parfois terrible, Antoine Volodine y salue le temps des gauchismes, qu'il ne regrette pas. Il fait simplement sentir quelle solitude et quel désastre moral hantent une génération pour qui la révolte fut un échec – parce que cette révolte n'était peut-être qu'un alibi, une drogue, un suprême divertissement pour tenter de s'oublier, et d'oublier que le “ système ”, quoi qu'on fasse, vous récupère...
Le terrorisme a sali la révolte. Et pourtant l'injustice, L’étouffement, la médiocrité qui nourrissaient l'insurrection restent là, sous nos yeux. La génération 90 n'a d'autre choix qu'être sage, réaliste, légère ou cynique. Ingrid appartient à un monde disparu dont Volodine signe, avec la grandeur monumentale qui convient, L’acte de décès. Mais, ce faisant, sa puissante personnalité pose les bases d'une écriture nouvelle, d'un art romanesque à venir, sans doute l'un des plus prometteurs depuis l'époque héroïque du Nouveau Roman. »

Patrick Granville (Le Figaro, septembre 1990)

« Volodine se garde bien de baliser le parcours. En tout cas, tant de suggestions, de clés biseautés, de fausses pistes excitent le lecteur arraché au parcours linéaire pour découvrir une destinée protéiforme, une ubiquité étourdissante. On pense aux romans de Nicolas Morel ou de Thomas Pynchon, aux affabulateurs vertigineux qui désintègrent la vérité dans une foule d’éclats.
Mais le roman de Volodine ne pèche jamais par excès de gratuité ludique ou formelle. Il est travaillé par une rage, une rosserie qui nous mord. Il sabre toutes les idoles, les impostures, les consensus suaves. Son tandem lyrique et féroce nous réveille de nos berceuses et de nos sommeil dogmatiques. »

 




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