Paradoxe


Clément Rosset

L'École du réel


2008
Collection Paradoxe , 480 p.
ISBN : 9782707320193
29.40 €


Ce livre est la réunion et la mise au point des textes que j'ai, depuis une trentaine d"années, consacrés à la question du réel et de ses doubles fantomatiques.
Il développe ainsi un sujet unique, qu’on peut définir comme l’exposé d’une conception particulière de l’ontologie, du  savoir de ce qui est  comme l’indique l’étymologie du mot. Ma quête de ce que j’appelle le réel est très voisine de l’enquête sur l’être qui occupe les philosophes depuis les aurores de la philosophie. A cette différence près que presque tous les philosophes s’obstinent à marquer, tel naguère Heidegger, la différence entre l’être et la réalité commune, sensible et palpable alors que je m’efforce pour ma part d’affirmer leur identité.

Clément Rosset


TABLE

Avant-propos. I. le réel et son double, texte intégral du Réel et son double, nouvelle édition revue et augmentée, Gallimard, 1984 - II. post-scriptum au chapitre précédent, extrait du Réel, traité de l’idiotie, Minuit, 1977 – III. retour sur la question du double, extrait de L’Objet singulier, nouvelle édition augmentée, Minuit, 1985 – IV. mirages, extraits du Philosophe et les sortilèges, Minuit, 1985 – V. le principe de cruauté, extraits du Principe de cruauté, Minuit, 1988 – VI. principes de sagesse et de folie, extrait de Principes de sagesse et de folie, Minuit, 1991 – VII. le démon de l’identité, extrait du Démon de la tautologie, Minuit, 1997 – VIII. le régime des passions, extrait du Régime des passions, Minuit, 2001 – IX. impressions fugitives, texte intégral de Impressions fugitives, Minuit, 2004 – X. fantasmagories, texte intégral de Fantasmagories, Minuit, 2006. 

Jean Montenot, Lire, avril 2008

Le philosophe Clément Rosset refuse l'illusion qui permet d"échapper au réel. Loin d’être pessimiste, sa pensée est réjouissante et libre !

Comme tout vrai philosophe, Clément Rosset est un homme singulier : l’intuition fondamentale de son œuvre est que l’homme tente le plus souvent de fuir le réel, de le doubler dans tous les sens du terme. Fabriquer un autre monde pour ne pas voir celui qui nous est donné à voir, tel est, aux yeux de Rosset, le vice des philosophes qui, dans le sillage de Platon, se sont faits les contempteurs du réel. Comme le personnage de Poe, dans son Double assassinat dans la rue Morgue, l’être humain est possédé d’une étrange folie : la  manie de nier ce qui est et d’expliquer ce qui n’est pas .
Fuir le réel de peur qu’il ne nous rattrape, trouver tous les subterfuges possibles pour éviter d’avoir à faire face au réel - et par réel, Rosset n’entend pas autre chose que la  réalité commune, sensible, palpable  –, tel est le ressort, pas toujours caché, pas toujours secret, qui anime ces calomniateurs du monde que sont au fond la plupart des moralistes et des utopistes. Avec Rosset, pas question d’aller voir ailleurs si j’y suis : le tragique de l’existence humaine est que le réel est là dans sa plénitude brute, dans son immédiateté, dans son idiotie, et qu’il faut se mettre à son école qui est, au fond, la seule qui vaille.
Idées sombres, visions pessimistes et bornées de l’existence humaine, apologie du malheur d’être un homme ? Non. Avant tout : refus des médiations et des détours qui grèvent et alourdissent l’existence. Il n’y a pas d’échappatoires possibles, pas de tiroirs secrets ou d’arrière-boutiques où quelque moi caché révélerait sa vraie nature au terme d’on ne sait quelle décantation. Il n’y a rien que la réalité rugueuse (ou molle) à étreindre. C’est pourquoi l’œuvre de Rosset peut être lue comme une tentative de déconstruction des discours des philosophes. Schopenhauer moderne, il n’a de cesse de démasquer l’illusionniste qui sommeille dans presque tout philosophe. Certains, sans doute, échappent plus que d’autres à la critique. Ainsi Parménide, à qui l’on doit sur l’existence, l’être ou la réalité les paroles les plus profondes et les plus définitives :  Ce qui est, ce qui n’est pas, n’est pas.  La belle affaire, proteste le bon sens, mais Rosset montre que ces sentences se révèlent  paradoxales et terrifiantes , car elles condamnent l’homme à la réalité et exigent de lui  un cœur qui ne tremble pas . D’Epicure, Rosset a gardé le sentiment qu’il est urgent de philosopher, autrement dit de  savoir si l’existence est ou non désirable . De Spinoza, Rosset a appris que la pleine jouissance de ce qui est était possible. De Nietzsche, que tragique et allégresse n’avaient rien d’incompatible.
Il faut donc lire L’école du réel pour trouver (ou retrouver) le goût du monde, le sens de l’ici-bas et apprendre à appréhender le réel sans ses doubles illusoires. On y apprendra que le réel dissout les fantasmagories aussi sûrement que le soleil dissipe les brumes matinales et que tous ceux qui soutiennent le paradoxe que le réel ne serait que la  somme des apparences, des images, des fantômes qui en suggère fallacieusement l’existence  oublient que le réel n’est en fait jamais perçu, qu’il excède et  déborde les descriptions intellectuelles qu’on peut en donner .
Reste à souligner la méthode et le style de Rosset. L’expression de sa pensée est claire et directe. Pas de jargon, ni d’emphase : ce philosophe ne se repaît pas des sortilèges du verbe. Mais, il y a plus, sa pensée se nourrit de lectures variées, multiples, hétéroclites et, dans ses écrits, les références à Hergé, à Jules Verne, à Molière, à Courteline ou même à Mozart ou à Ravel côtoient les analyses de Heidegger, de Nietzsche ou de Parménide. Rosset musarde et chaparde au gré de ses lectures des illustrations de sa thèse fondamentale. Mélange des genres ? Centon de citations ? Désinvolture française ? Mobilité plutôt, liberté et allégresse de la pensée. Refus en tout cas des postures et des impostures qui posent ou qui pèsent. Avec Rosset, la pensée est une fête et une promenade au cœur du réel et de ses doubles.

 




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