« Double »


Boris Vian

L’Automne à Pékin 

suivi de Avant de relire L’Automne à Pékin par François Caradec


1980
collection de poche double n°3
304 pages, épuisé
ISBN : 9782707305893
* Première publication aux Éditions de Minuit en 1956.


* Première publication aux Éditions du Scorpion en 1947. Seconde édition revue par l'auteur aux Éditions de Minuit en 1956, avec un dessin de Mose en couverture. Réédition en 1963 et nombreux retirages (sans le dessin en couverture).

Ce matin-là, Amadis Dudu rata l'autobus. Or, non seulement ce contre-temps ne compromit en rien sa journée, mais il l'engagea au contraire dans une série d'aventures bien extraordinaires, où se trouvaient mêlées toutes sortes de personnes au milieu desquelles il n'allait du reste pas tarder, lui Dudu, à se perdre ; mais cela n'était pas gênant du tout, au contraire. Inutile d'ajouter que rien dans cette histoire ne concerne l'automne, ni Pékin.
 
Le livre de Boris Vian est très drôle et tout à fait déchirant. À l'image de son auteur, lequel ne trouva le succès qu'après sa mort.
 
Brusquement disparu à trente-neuf ans, Boris Vian (1920-1959) eut le temps d'être, à la fois, ingénieur, inventeur, musicien et critique de jazz, poète, romancier, auteur dramatique, scénariste, traducteur, chroniqueur, parolier, interprète de ses propres chansons, acteur. En 1946, il termine L'Écume des jours en mars, J'irai cracher sur vos tombes, sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, en août, et L'Automne à Pékin en novembre. Il écrira d'autres romans ; mais L'Herbe rouge, imprimé en 1950, ne sera pas mis en vente ; L'Arrache-Cœur, en 1953, et la réédition de L'Automne à Pékin, aux Éditions de Minuit, en 1956, n'auront aucun succès. Il se tournera alors vers le théâtre, l'opéra, puis la chanson.

‑‑‑‑‑ Extrait de la postface de François Caradec‑‑‑‑‑

L'Automne à Pékin est un des rares romans de notre temps qui rende aux mots leur sens littéral, sans préjudice de tous les autres sens possibles. Raymond Queneau, en tête de l'édition originale de L'Arrache-Cœur, en 1953, qualifiait L'Automne à Pékin d' œuvre difficile et méconnue . En effet, non seulement les mots semblent y adopter, pour la première fois de leur existence dans le domaine romanesque, leur véritable sens, mais il leur arrive, avec la même désinvolture et la même obstination, de signifier tout autre chose que ce que nous en attendions.
 
– Vous disiez que ce sont des élymes ? demanda l'abbé Petitjean en désignant les herbes.
– Pas celles-là, observa l'archéologue. Il y a aussi des élymes.
– C'est sans aucun intérêt, remarqua l'abbé. À quoi bon connaître le nom si l'on sait ce qu'est la chose ?
– C'est utile pour la conversation.
– Il suffirait de donner un autre nom à la chose.
– Naturellement, dit l'archéologue, mais on ne désignerait pas la même chose par le même nom, suivant l'interlocuteur avec lequel on serait en train de converser.
– Vous faites un solécisme, dit l'abbé. L'interlocuteur que l'on serait en train de convertir.
– Mais non, dit l'archéologue. D'abord, ce serait un barbarisme, ensuite, ça ne veut absolument pas dire ce que je voulais dire.

Nous touchons ici au sens profond et souterrain de L'Automne à Pékin et de la plupart des romans de Boris Vian. Ce goût de la confusion sémantique n'a pas manqué d'entraîner de nombreuses erreurs, (souvenons-nous des cafouillages de la critique devant Les Bâtisseurs d'Empire). Ces nouvelles confusions ne pouvaient déplaire à Boris Vian : s'il en donnait parfois les clefs, c'était pour mieux confondre son lecteur.
Aussi devons-nous croire que les interprétations qui ont été données de L'Automne à Pékin sont toutes rigoureusement exactes, lors même qu'elles apparaissent contradictoires. On sait que depuis Vercoquin et le Plancton, écrit en 1943-44, Boris Vian affichait pour l'œuvre pataphysique d'Alfred Jarry une grande admiration : ici aussi tous les sens sont prévus, y compris ceux que lecteur croit apporter lui-même.
Tel est le sens du dernier Passage.
L'Automne à Pékin n'est pas un roman à clefs. Si l'on y rencontre les noms de personnages bien réels, ceux-ci n'apportent pas à l'intrigue de prolongements nouveaux : ils ne sont là que pour la jubilation de l'auteur qui ne dédaigne pas de la faire partager au lecteur. Il en va de même des références ou d'allusions à certaines sources, – d'alluvions, devrais-je écrire. Il serait vain de les signaler toutes, d'épargner au lecteur le plaisir de la découverte, comme de réduire le roman à un jeu d'énigmes analogue à celui des mots croisés. Boris Vian requerrait la complicité de son lecteur. Aussi n'aimait-il pas le cinéma qui demande la mise en branle de moyens monstrueux pour l'accouchement prématuré d'œuvres éphémères d'où toute complicité, toute communication directe avec le spectateur ont disparu.
Cette  complicité  qu'il recherchait dans ses romans explique leur première  difficulté  à une époque où il était interdit au lecteur de jouer avec la serrure. On travaillait ferme alors dans l'humain et la tranche de vie, servie désossée, et, la plupart du temps, la clef était sous le paillasson.
Lors de la réédition en 1956 de L'Automne à Pékin, Noël Arnaud a brillamment et joyeusement développé les thèmes de la Quête alchimique qui traversent le roman de Boris Vian comme une lame de Tolède une motte de beurre. À elle seule, cette interprétation capitale impose une relecture ; auparavant, l'apprenti devra s'initier aux arcanes du Grand Labeur.
François Caradec

 





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