Essais


Introduction de Jean Wahl

Cahiers de Royaumont. La Philosophie analytique


1962
348 pages, épuisé
ISBN : 9782707302793


Le présent ouvrage, s'il constitue une introduction générale aux thèses de la philosophie analytique, est aussi un document historique. Il rend compte en effet de la première rencontre organisée en France, en 1958, entre les principaux représentants des écoles anglaises et américaines (J. Urmson, B. Williams, G. Ryle, P.F. Strawson, Willard Quine, E. W. Beth, John L. Austin, R. Hare) et ceux du continent, trouvais aux premiers rangs desquels, sous la présidence de Jean Wahl, on trouve : Ferdinand Alquié, Maurice Merleau-Ponty, le père Van Breda et Lucien Goldmann. La discussion qui clôt ce colloque met clairement en lumière les oppositions à travers lesquelles s'affrontent les deux tendances en présence.

En guise de présentation, J. O. Urmson retrace brièvement l'histoire de l'analyse depuis Aristote, mais surtout il distingue les trois directions dans lesquelles s'est développée récemment la méthode philosophique analytique, très peu connue en France :
– L'analyse qui utilise la construction de langues artificielles, c'est-à-dire les langues formalisées et les calculs. Cette méthode, en effet, dépasse le cadre d'un exercice de pure logique formelle pour devenir méthode philosophique propre. On la trouve exprimée chez Russel et chez Carnap notamment.
– L'analyse, telle que la pratiquait Wittgenstein, qui considère l'imprécision du langage non pas comme un défaut – qu'il faut éliminer d'une langue – mais comme un trait caractéristique essentiel de tout concept empirique. Selon le philosophe viennois, tout problème se pose plutôt dans le cadre d'une énigme à résoudre que dans celui d'une question comportant une solution.
– L'analyse qui caractérise l'école d'Oxford et qui, contrairement aux deux précédentes méthodes, ne s'appuie pas sur la philosophie des mathématiques, mais sur la linguistique. Comme l'écrivait Émile Benveniste : “ Les philosophes d'Oxford s'adonnent à l'analyse du langage ordinaire, tel qu'il est parlé, pour renouveler le fondement même de la philosophie, en la délivrant des abstractions et des cadres conventionnels. ”
Chaque conférence est ensuite publiée avec les échanges de vue qu'elle a suscités et l'ouvrage se termine sur une “Discussion générale” entre les tenants des deux mouvements où l'on voit que le début de dialogue engagé n'a fait disparaître aucune des oppositions.

‑‑‑‑‑Table des matières ‑‑‑‑‑

Leslie Beck
,  Avant-propos 
Jean Wahl,  Introduction 
J. O. Urmson,  Histoire de l'Analyse 
– Discussion : MM. Acton, Quine, Williams, Beck, Ryle, Apostel, Perelman, Wahl, Brun, Leroy
B. Williams,  La Certitude du Cogito 
– Discussion : MM. Van Breda, Wahl, Williams, Alquié, Quine, Berger
Gilbert Ryle,  La Phénoménologie contre The Concept of Mind  (trduit par André Gombay)
– Discussion : MM. Van Breda, Quine, Ayer, Merleau-Ponty, Wahl, Alquié
P. F. Strawson,  Analyse, Science et Métaphysique 
– Discussion : MM. Taylor, Apostel, Leroy, Van Breda, Wahl, Perelman, Ayer, Ryle
W. V. Quine,  Le Mythe de la Signification 
– Discussion : MM. Weil, Hare, Perelman, Ayer, Ryle, Bochenski
L. Apostel,  Le Champ Sémantique de l'Incertitude 
– Discussion : MM. Ryle, Austin, Williams, Urmson, Quine, Gewirth
E. W. Beth,  Les Rapports entre Langues Formalisées et Langue Naturelle 
– Discussion : MM. Devaux, Strawson, Quine, Martin, Ryle, Bochenski
J. L. Austin,  Performatif-Constatif 
Discussion : MM. Weil, Hare, Devaux, Wahl, Perelman, Poirier
R. M. Hare,  Rien n'a d'importance 
– Discussion : MM. Alquié, Montefiore, Nowelt-Smith, Williams, Quine, Acton, Wahl

Discussion générale : MM. Perelman, Van Breda, Austin, Ayer, Urmson, Quine, Wahl, Alquié, Ryle, Goldmann, Béra, Williams, Poirier, Weil, Galimberti, Gewirth, Devaux.

‑‑‑‑‑Avant-propos  de Leslie Beck‑‑‑‑‑
 
Ce volume est le quatrième des  Cahiers Royaumont . Il reproduit, aussi fidèlement que possible, la plupart des exposés et la substance des interventions qui se déroulèrent pendant le colloque qui se .passa à Royaumont sur le thème  La Philosophie analytique . Le sujet, un peu vague, de ce colloque marque une tentative de dialogue entre deux philosophies qui, depuis des années semblent s'ignorer : celle de l'école anglaise d'Oxford dite  analytique  avec une tendance différente représentée par l'Amérique, et celle des  continentaux . Presque toutes les conférences furent confiées aux représentants de la philosophie analytique, sauf deux exposés, celui du professeur Beth d'Amsterdam, et celui du philosophe belge Léo Apostel.
Le lecteur peut se demander si le colloque a réussi un véritable dialogue. Pour s'en tenir à l'immédiat, il convient peut-être d'en douter. Les oppositions étaient tranchées. Les distances à parcourir étaient immenses. Plusieurs oppositions se montrèrent irréductibles, ainsi celle de Gilbert Ryle aux philosophes de l'école hussertienne. Un autre exemple : quand Merleau-Ponty demanda :  notre programme n'est-il pas le même ? , la réponse ferme et nette fut :  J'espère que non . Mais si les oppositions sont restées après le colloque, aussi nettes qu'auparavant, on ne pouvait espérer, du premier coup, une entente dont l'apparence n'aurait pu traduire qu'une politesse académique contraire aux soucis profonds de la recherche de la vérité. Il faut, dans un temps de compromis, savoir gré aux analystes de leur souci d'accuser les distances, de leur refus de toute conciliation de pure forme. Une intransigeance méthodologique, colorée peut-être par une certaine méconnaissance de l'histoire de la philosophie, n'empêche en rien une réflexion paisible, hors de la raideur de la polémique, sur les observations et critiques que suscitèrent les exposés.
Leslie Beck

‑‑‑‑‑Extrait de l'introduction de Jean Wahl‑‑‑‑‑
 
C'est pour moi un plaisir et un honneur de souhaiter ici la bienvenue aux philosophes de la Philosophie Analytique. Si je ne me trompe, c'est la quatrième fois que nous nous trouvons réunis à Royaumont. Nous nous sommes réunis autour de Pascal d'abord, autour de Descartes ensuite, et puis l'an dernier autour de Husserl. Pascal a écrit quelque chose sur l'Esprit de Géométrie. Descartes a écrit quelque chose qui s’appelle le Discours de la Méthode, Husserl, les Recherches Logiques. Il est naturel que nous nous enfoncions plus avant cette année dans les sentiers de la logique.
Il n'y a pas de pays qui, en un sens, soit plus loin de la France que l’Angleterre. Et pas de pays qui en soit plus près, à beaucoup de points de vue, et en bien des sens, que l’Angleterre. Il y a donc des difficultés, des difficultés philosophiques, je crois donc des difficultés réelles ; mais au fond nous sommes beaucoup plus proches que beaucoup d'entre nous ne le pensent. J'ai lu il y a quelque temps un article d'un philosophe espagnol, Ferrater Mora, sur les philosophies qui se disputent la Terre. Il y a le matérialisme dialectique ; puis une philosophie mal définie qui est la philosophie continentale, sous ses diverses formes : phénoménologie ou existence ; et puis la philosophie analytique, le positivisme logique, le néo-positivisme, de quelque nom qu'on la nomme. Et il s'agit de savoir quels sont les rapports entre ces trois philosophies.
Et naturellement on peut, même vis-à-vis de soi, avoir des opinions différentes, en face des ressemblances et des différences qu'elles présentent entre elles. Pour moi, cette nuit, lisant en particulier l'article de M. Ryle, je trouvais qu'il y avait de grandes ressemblances entre ce qu'il pensait, et ce que je pensais. Que, à partir de Platon et surtout d’Aristote jusqu'à lui, il y a une grande tradition, qu'il approfondit certaines données que nous trouvons chez Aristote ; qu'au fond, il ne s'oppose pas tellement qu'il semblerait au premier abord à la phénoménologie. J'allais même jusqu'à me dire, il est vrai au milieu de la nuit, que peut-être un jour je rencontrerais à Louvain et parmi les phénoménologues, le professeur Ryle ; mais probablement je me trompe ? Ah, aussi, j'ai trouvé que quelquefois il était très loin de Bergson, et quelquefois très près de Bergson pour l'analyse de la phrase.
S'il y a un accord, s'il y avait par hasard un accord possible entre la phénoménologie et la philosophie analytique, peut-être que ce serait là, la vérité. Mais qu'est-ce que cela signifie la vérité ? C'est justement une des questions devant lesquelles nous nous trouvons.
Récemment je voyais, dans un compte rendu, cette phrase tirée d'un auteur français contemporain,  J'ai mal à la tête. Cela signifie donc que j'ai une tête . Eh bien, peut-être quelque-fois aurons-nous mal à la tête, et peut-être cela signifiera-t-il que nous avons des têtes. En tout cas, nous aurons d'abord à nous demander comment s'est formée cette philosophie analytique. Avec qui, ou peut-être plutôt contre qui ? Je suppose que c'est par réaction contre un certain nombre de choses qui existaient dans la philosophie traditionnelle, en Angleterre, et en Amérique. J'ai parlé jusqu'ici seulement de l’Angleterre, mais les États-Unis sont représentés et excellemment représentés ici.
Jean Wahl

 





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