Essais


Arnaud Maïsetti

Bernard-Marie Koltès


2018
352 pages
ISBN : 9782707343949
18.50 €


    L’écriture, la pensée et la vie de Bernard-Marie Koltès (1948 – 1989) sont liées dans un pacte qu’il forgea à vingt ans devant un théâtre de Strasbourg et qui jamais ne sera rompu : être soi-même l’auteur de sa vie. Il ne possédait qu’une morale : celle de la beauté. Et qu’une loi : le désir.
On connaît de Koltès la trajectoire fulgurante : la rencontre avec Chéreau au début des années 1980, les pièces jouées à Nanterre-Amandiers, la reconnaissance publique et critique. On sait aussi combien cette œuvre a pu donner l’image de son temps. On sait moins combien cette vie aura surtout été ailleurs, qu’elle s’est jouée dans les confins de cités perdues, entre le delta du Niger, au cœur de la jungle du Guatemala et de ruines précolombiennes, ou près d’un lac Maya, sur les docks abandonnés de New York, et dans les nuits de Salvador de Bahia. Suivre Koltès dans ses voyages, ce n’est pas chercher à retracer un itinéraire seulement, mais vouloir approcher les termes du pacte : ailleurs, il chercha les renversements où toujours se donner naissance ; ailleurs, il s’inventa des noms, marcha sur les traces de Rimbaud, de Dostoïevski ou de Faulkner ; ailleurs, il se mit en quête de frères et puisa des forces dans des figures de pur désir : James Dean, Bruce Lee, Bob Marley.
Raconter la vie de Koltès, c’est tâcher d’écrire ainsi cette autre vie qui s’est écrite dans ce désir de se vouloir autre et dont ses pièces portent la trace. C’est tenter d’approcher l’œuvre et la vie ensemble puisqu’elles sont l’une par l’autre la réécriture.

ISBN
PDF : 9782707343963
ePub : 9782707343956

Prix : 12.99 €

En savoir plus

Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité, 12 février 2018

Courageuse solitude de Koltès

Né en 1983, six ans avant la mort de Bernard-Marie Koltès (1948-1989), Arnaud Maïsetti, qui enseigne les études théâtrales à l’université Aix-Marseille, publie sur l’écrivain, aux Éditions de Minuit – celles de Koltès depuis le début – une monographie consistante composée avec ferveur (1). Ainsi s’étoffe, après les ouvrages de Brigitte Salino, Anne-Françoise Benhamou, Christophe Bident et François Bon, la bibliothèque vouée à celui dont Patrice Chéreau, qui l’imposa depuis Nanterre-Amandiers avec Combat de nègre et de chiens, affirmait qu’« il transportait une morale du monde ». C’est ce que prouve l’auteur, après la consultation assidue d’archives, la collecte de témoignages et la lecture de l’abondante correspondance de Koltès, épistolier infatigable (lettres à sa mère, à son frère François, à Hubert Gignoux, à Lucien Attoun, aux amies…). Pour Arnaud Maïsetti, Koltès, convaincu très jeune de devoir être l’auteur de sa vie, « ne possédait qu’une morale : celle de la beauté. Et qu’une loi : le désir ».
De Koltès, autre « passant considérable » ­suivant le calque rimbaldien, éternel jeune homme timide, ombrageux, voyageur hors tourisme cherchant le danger non sans peur, ne pouvant écrire qu’au terme d’expériences des limites risquées, Maïsetti parvient donc sur un long parcours à brosser un portrait fortement rythmé. C’est qu’il ne néglige pas, de son modèle, les hantises et les héros secrets, James Dean, Bob Marley, Bruce Lee, lesquels ont fait bon ménage, dans son panthéon imaginaire, avec Dostoïevski et Faulkner. D’où une écriture violemment physique, sensible, charnelle, née d’expériences âpres et lumineuses dans des recoins sombres, en Afrique, en Amérique latine, loin de l’Occident honni. C’est là sans doute la proximité avec Genet et ce qui fit adhérer au Parti communiste, dans les années 1970, ce rejeton de famille bourgeoise provinciale qui s’adonna au métier d’écrire avec fureur. À mes yeux, les plus belles pages de ce livre, dont la précision dans l’analyse n’exclut pas une sorte d’élégant lyrisme, ont trait au combat pour écrire de Koltès avec lui-même. Belle leçon. Ce n’est pas facile. Les difficultés matérielles ne le rebutent pas et plus tard, quand l’argent vient avec le succès, le sida s’annonce. Ce tragique-là, Bernard-Marie Koltès, fidèle à sa rigueur d’être, ne l’a pas non plus surjoué. Le court chapitre final, « Do We ? », est à cet égard d’un laconisme factuel exemplaire. Ce livre, un peu à l’écart de l’université, est d’abord d’amitié.




Lire l'article de Raphaël Baptiste, "Koltès, écrivain", dans L'Alchimie du verbe, 19 février 2018




Pierre-Edouard Peillon, Le Nouveau Magazine littéraire, mars 2018

Bernard-Marie Koltès, la vie d’un incendie

La première réelle biographie de l'auteur qui brûla les planches françaises dans les années 1980.

Au sujet de Bernard-Marie Koltès, on répète souvent les mêmes lieux communs : « étoile filante » du théâtre, « météore » de la littérature des années 1980... Son visage juvénile, forcément « rimbaldien », la reconnaissance médiatique relativement tardive, le sida, et sa mort précoce en 1989, à l'âge de 41 ans : nombreux éléments participent à façonner cette image d'artiste fauché en pleine ascension et entretiennent le sentiment d'inachèvement qui entoure son œuvre. Mais, à mieux y regarder avec l'aide de la première biographie digne d'intérêt de l'écrivain, Bernard-Marie Koltès fut moins une présence éphémère dans le ciel littéraire français qu'un soleil noir rayonnant d'oxymores encore aujourd’hui : fils de bourgeois messins se rêvant loubard cosmopolite, tendre rebelle, contemplatif jouant à se faire peur pendant ses nombreux voyages, dramaturge composant ses pièces à la manière d’un romancier au point qu’elles furent souvent publiées avant d’être jouées.
Condensée en vingt ans, la carrière de Bernard-Marie Koltès connaît, elle aussi, des contrastes : deux périodes distinctes, pratiquement opposées à la manière de grandeurs inversement proportionnelles. Dans les années 1970, les hauts et (surtout) les bas que peut connaître un jeune dramaturge persévérant mais craignant de ne pas réussir à s’imposer ; dans les années 1980, le succès soudain grâce au soutien de Patrice Chéreau qui rouvrit le Théâtre des Amandiers en 1983 avec Combat de nègre et de chiens.
« S’engager dans le théâtre »
Tout commença un soir de janvier 1968 : Koltès a 19 ans et vit comme un appel sacerdotal l’émotion intense que lui procure la performance de Maria Casarès dans Medea de Sénèque mis en scène par Jorge Lavelli. Il choisit de « s’engager dans le théâtre », de renoncer à ses études, afin « d’en finir avec une certaine vie, et de refuser la vie salariée», ainsi que le formule son biographe. Cette vocation radicale contient toute la conception que Koltès se fera du théâtre, relevant simultanément de l’existence et de l’art.
C’est aussi tout l’immense mérite de la monographie d’Arnaud Maïsetti : adosser de passionnantes analyses de l’œuvre de Koltès aux épisodes de sa vie et, inversement, raconter cette vie comme le creuset d’une œuvre. Dans toutes les pièces du dramaturge, particulièrement à partir de La Nuit juste avant les forêts jusqu’à Roberto Zucco, on trouve un « étrange rapport à l’inscription du réel dans sa faculté à devenir allégorie de tous les mondes », un « onirisme concret » et une « architecture d’évidence et d’énigme ». C’est que Koltès s’appliquait moins à « fabriquer une pièce que la rencontrer dans la vie ».

 

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