Documents


Vercors

La Bataille du silence

Souvenirs de minuit


1992
Collection Documents , 352 pages, épuisé
ISBN : 9782707314147


* La Bataille du silence a été réédité en 2002 dans le recueil Le Silence de la mer et autres œuvres, collection Omnibus.

Vercors (1902-1991) a publié aux Éditions de Minuit clandestines Le Silence de la mer achevé d’imprimer le 20 janvier 1942, puis en 1943 La Marche à l’étoile. Il a publié, par ailleurs, une quarantaine d’ouvrages, œuvres romanesques, de théâtre ainsi que des albums.

 La Bataille du silence parut vingt-cinq ans après Le Silence de la mer. Et il se sera écoulé de nouveau vingt-cinq ans jusqu’à ce que cette histoire racontée par Vercors des Éditions de Minuit clandestines, publiée en 1967 aux Presses de la Cité, reparaisse sous une couverture frappée de l’étoile qu’il avait lui-même dessinée.
Voici donc refermée une parenthèse restée béante un demi-siècle, jour pour jour. Je souhaitais depuis longtemps que les Éditions de Minuit soient aux côtés de Vercors pour cet anniversaire. II me semblait que c’était notre place. Il me semble que c’est aussi la sienne. 
Jérôme Lindon

Antoine de Gaudemar (Libération, 1992)

 L’essentiel des souvenirs de Vercors porte bien évidemment sur la création des Éditions de Minuit, dans Paris occupé, entre 1942 et 1944. Véritable légende de la Résistance, qu’il est assez émouvant de lire dans sa version de 1967, vingt-deux ans à peine après les événements. 

Gilles Plazy (Le Monde, 1992)

L’étoile de Minuit
 
 Vercors et les Éditions de Minuit sont nés ensemble, il y a cinquante ans. En écrivant, en publiant Le Silence de la mer, Jean Bruller se donnait une nouvelle vie. En l’éditant clandestinement, il fondait une maison d’édition qui sauverait l’honneur des lettres dans la France occupée. Quand il n’y eut plus lieu de se cacher pour écrire, pour éditer, pour lire, l’idée de Vercors fut de saborder les Éditions de Minuit : elles avaient rempli leur contrat ; elles pouvaient, comme la guerre, entrer dans l’Histoire.
Mais le symbole était trop fort. Des écrivains (Aragon, Eluard, Mauriac...) leur avaient donné des livres, composant une belle litanie de pseudonymes qui étaient – ainsi que, le premier, Vercors en avait eu l’idée – des noms de régions françaises. Ainsi était maintenue une édition non soumise à la censure, alors que les éditeurs avant pignon sur rue (sauf Émile-Paul) avaient accepté de composer avec la dictature nazie en expurgeant de leurs catalogues les noms juifs, communistes, britanniques... Quand la lumière revenait, quand le droit à la parole n’avait plus à être arraché au risque de la torture et de la mort, la mer n’avait plus à se donner de faux airs de silence, les éditions pouvaient être de midi. Vercors pouvait revenir aux dessins du Jean Bruller d’avant-guerre, ou bien continuer d’être l’écrivain qu’il était devenu.
L’homme n’avait pas vocation à occuper le devant de la scène, ne cherchait pas le pouvoir, ricanait quand on lui promettait l’Académie française. Il avait à peine plus de quarante ans et une vie encore devant lui. Il n’avait été qu’un éditeur amateur et n’avait pas l’intention de faire de cette expérience une profession. Les temps étaient troubles, alors, et les choses n’étaient pas simples. Trop de fierté, de liberté, d’espoir s’étaient cristallisés sur le nom des Éditions de Minuit pour que ceux qui en avaient été, à un titre ou à un autre, les animateurs, pussent envisager facilement de n’avoir plus ce point de ralliement.
Vercors céda et les Éditions de Minuit ne furent plus qu’une petite voix dans un concert d’éditeurs habiles à ménager la chèvre allemande et le chou libéré. On peut rire aujourd’hui en apprenant que la distribution d’un papier rare entre les différentes maisons d’édition se faisait au prorata de la production d’avant-guerre et que, par conséquent, Minuit en aurait été quasiment privé si Malraux, à la demande de Vercors, n’avait réparé l’injustice... Les auteurs célèbres, qui avaient donné leurs textes clandestins à Vercors, à Eluard, à Paulhan (lesquels étaient des complices actifs de l’entreprise), retrouvaient leurs foyers littéraires et ne se sentaient aucune raison de fidélité à l’égard d’une maison d’édition qui battit vite de l’aile, trop pauvre et sans grande signature pour lui tenir la tête hors de l’eau.
Il fallut de l’argent, du sang neuf. Georges Lambrichs apporta son flair, Jérôme Lindon de quoi conforter les finances. Il était jeune, audacieux. Vercors fut mal à l’aise. Ses amis de naguère n’étaient plus là, l’affaire n’était plus sienne, il voulait bien rester mais exigeait un droit de veto. Lindon refusa : il ne voulait pas être un directeur sous surveillance. Vercors partit, non sans amertume. Il était encore triste, à la fin de sa vie, de cette infidélité que lui avaient faite les Éditions de Minuit.
Mais dans l’entretien qu’il m’avait accordé, Vercors reconnaissait : “ Lindon dirige la maison de main de maître, dans un tout autre esprit littéraire que moi mais sans jamais trahir celui de la Résistance. ” Vercors avait aussi la plus grande estime pour un éditeur qui avait, en pleine guerre d’Algérie, su se placer du côté de la vérité et de la justice. Que revienne l’étoile initiale comme sigle des Éditions de Minuit, sur la couverture de La Bataille du silence, Vercors certainement en aurait été touché. Lui qui se trouvait un peu oublié aurait été vivement ému de fêter ainsi ce double cinquantenaire.
C’est un juste cadeau (posthume, hélas !) que lui fait maintenant Jérôme Lindon. Il nous en fait aussi un à nous, en nous redonnant à lire un livre qui était introuvable. 

 





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