Essais


Georges Didi-Huberman

Aperçues


2018
352 pages
ISBN : 9782707343345
27.00 €


Choses vues, non, pas même vues jusqu’au bout. Choses simplement entrevues, aperçues. Êtres qui passent, souvent au féminin pluriel, comme la Béatrice de Dante, Laura de Pétrarque, la « nymphe » d’Aby Warburg, la Gradiva de Jensen et de Freud ou la « passante » anonyme des rues parisiennes selon Charles Baudelaire. Créatures ou simples formes qui surgissent ou qui tombent. Instants de surprise, ou d’admiration, ou de désir, ou de volupté, ou d’inquiétude, ou de rire. Impressions enfantines, deuils. Colères aussi. Réflexions esquissées. Instants critiques. Ou descriptions, tout simplement.
Phraser le passage des aperçues ? Comme un recueil de circonstances, de visions en bribes, d’émotions inattendues, de pensées qui s’inventent devant des choses ou des êtres apparaissants, apparus et, très vite, disparaissants, disparus. Une phénoménologie, une poétique, une érotique du regard s’esquissent. Tout cela devenu, sans crier gare, un journal sans continuité, un ensemble de récits sans personnages bien définis, un autoportrait sans visage unique.
Remonter ce journal en désordre. Découvrir, alors, qu’il était fait d’occasions (où les temps passent vite), de blessures (où les temps frappent fort), de survivances (où les temps reviennent toujours) et de désirs (où les temps adviennent pour un futur entraperçu).

ISBN
PDF : 9782707343369
ePub : 9782707343352

Prix : 18.99 €

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Juliette Cerf, Télérama, 28 février 2018

En réunissant des fragments évoquant émotions, expériences et pensées, l’historien de l’art établit un autoportrait singulier et troublant.

Une image, un visage. « Comme la lumière vient de dos, c’est dans une ténèbre relative que son visage nous fait face », à tel point que ses yeux forment deux trous noirs : « Ce visage qui réfléchit à la fragilité de ses propres yeux n’a pourtant que 22 ans », écrit Georges Didi-Huberman, à propos d’un Autoportrait de jeunesse de Rembrandt, peint vers 1628. A presque 65 ans, l’historien de l’art et philosophe inclassable, qui a fait de l’anachronisme l’une des lignes de force de sa pensée des images, publie un troublant et magnifique autoportrait, livre d’entre tous les livres, en suspension, conjugué non pas au masculin singulier, mais au féminin pluriel… Il n’y a pourtant rien de queer dans la pensée ô combien dialectique de Didi-Huberman, celui-ci pensant la femme de façon assez classique, sous les traits de la mère ou de l’aimée, femme aux seins offerts, femme au sexe ouvert. A jamais perdue, à jamais désirée, la passante, érotisée par Baudelaire (« Un éclair… puis la nuit ! — Fugitive beauté »), donne son corps au titre : Aperçues se compose de près de deux cents fragments, écrits depuis les années 2000 et montés avec un tact démiurgique par cet immense créateur de livres qu’est Didi-Huberman — Par occasions (temps qui passent), Par blessures (temps qui frappent), Par survivances (temps qui reviennent), Par désirs (temps qui adviennent). Autant de bribes de choses vues, émotions esquissées, images de pensée, occasions manquées, « échardes du monde». « Elles sont apparaissantes mais vont disparaissant », comme ces fragiles lucioles tant appréciées par l’auteur, amateur de l’intensité poétique et désirante de Pier Paolo Pasolini ou de Georges Bataille, qui réaffirme ici sa distance avec la « raideur conceptuelle » de Jacques Rancière ou les (trop) « grandes questions » de Claude Lanzmann… Tapis dans cette forme modeste qu’est l’aperçue, les enjeux de l’ouvrage s’avèrent immenses, portant au grand jour les outils, les hypothèses et les élections de Georges Didi-Huberman, tantôt enfant en deuil de sa mère, tantôt amant, tantôt voyageur, arpenteur de musées, tantôt hanté par ses rêves : la survivance, le soulèvement, les figurants, les traces, les larmes, la précision philologique, la sève d’artistes (Simon Hantaï ou Wang Bing), l’écorce — préférée à la racine…
Ce foisonnement n’est en rien une cueillette, un éparpillement un peu facile ou une répétition narcissique. Car c’est justement dans le mouvement, le tempo de ces traverses, dans la traîne de toutes ces apparitions, que se joue l’essentiel : « là, et non pas au-delà », là, dans la perception du monde, « l’énergie du regard lui-même », toujours « hors-je » : « Le moi n’est plus quand le regardeur tombe dans l’image… En apercevant l’image le regardeur tombe dans un trou. »

 

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